CALIGULA

Théâtre Douze
6 avenue Maurice Ravel
75012 Paris
Tél. 01 44 75 60 32

Jusqu’au 14 avril 2019
du jeudi au samedi à 20h30
dimanche à 15h30

Caligula loupe 

Ils parlent de lui avec effroi, ils le craignent, ils s’inquiètent. Au début, ils sont tous en beige, sur fond d’un beau turquoise. Sauf lui. Lui, est toujours en noir. Il est souffrant, mais provocant. Hagard, mais menaçant, tourmenté, après la tragique disparition de sa sœur et incestueuse amante. Il lui vient une obsession : il veut la lune. Il l’aura… ou pas.

Quelques années plus tard, le noir l’emporte. Il est sur tous. Il est partout. Surtout en lui, devenu tyran, despote, serial killer assumé. Lui, Caligula, empereur, joue à être fléau, bourreau. S’amuse à user et abuser du pouvoir suprême, à semer la terreur autour de lui. Les têtes tombent selon son bon vouloir, au gré de ses imprévisibles caprices. Secondé par sa maîtresse Cæsonia, indéfectible complice, presque malgré elle. Tous sont otages, marionnettes d’une folie froide, sans limites, destructrice, meurtrière. Dès lors, à la cour, le complot est inévitable, il le sait, le souhaite, l’attend. En proie à des sentiments ambivalents, ambigus, les courtisans rescapés se résolvent  à tisser la toile de l’inévitable. Le filet fatal tombe inexorablement sur la mante religieuse qu’est leur monstre. Seulement pour lui rien n’a d’importance, ni questions, ni réponses.

Ce texte de Camus écrit en 1939 est magnifique, troublant, saisissant, poignant, dérangeant. Il est bien servi ici par une belle mise en scène, rondement menée, moderne, du téméraire Guillaume Dollinger, qui joue aussi le rôle du poète Scipion avec une grande sensibilité.

Jules Baron est un grand et beau Caligula, orgueilleux et narcissique à souhait, solaire, sympathique même. Certes, il a, il l’a, ce grain… une présence aussi ! Et pour définitivement incarner ce rôle particulièrement complexe, il ne lui manque plus qu’une petite, mais indispensable, plongée en apnée dans les eaux profondes, du côté obscur…

Alix Schmidt est Cæsonia, la maîtresse, première dame parfaitement digne de ce nom, tant la comédienne fait preuve de subtilité et de finesse, toute en nuances, toujours vibrante, touchante, toujours sur le fil, telle une gracieuse acrobate qui sait garder beauté et équilibre en toutes circonstances.

Geoffrey Lopez, l’intellectuel barbu, alias Cherea, est stable, indispensable à l’ensemble, il assure sagesse et justesse, à l’aise dans son costard, propre, clair et net, efficace.

Tous les autres comédiens sont aussi vrais, particulièrement Gabriel Greffier, qui se laisse assassiner avec beaucoup d’adresse.

Comme dit Albert Camus dans ses Carnets : « Non, Caligula n'est pas mort. Il est là, et là. Il est en chacun de vous… » Allez savoir… Allez voir !

Luana Kim

 

Caligula

De : Albert Camus
Mise en scène : Guillaume Dollinger

Avec : Jules Baron, Alix Schmidt, Geoffrey Lopez, Frédéric Matona, Guillaume Dollinger, Gabriel Greffier, Cyril Bernaux, Jean-Claude Raguideau, Nicolas Desnoues

Scénographie et décors, costumes et accessoires: Cécile Kou
Création Musicale: Romain Rugoni
Compagnie : La Compagnie Alcandre

 

Mis en ligne le 2 avril 2019