« BOURREAUX D'ENFANTS ! » CHAPITRE 2

Théâtre de l'Aquarium
La Cartoucherie de Vincennes
Route du champ de manœuvre
75012 PARIS
Jusquau 28 avril. Mer, ven, sam, mar  à 20h30. Dim 16h.

Il s'agit de deux courts spectacles mis bout à bout.

Dans « La pluie d'été » de M. Duras, le public est en carré et la scène nue. Un comédien sort du public et lit le texte du roman (façon théâtre des années 70) Une comédienne lui répond. Éclairés, les spectateurs servent aussi de décor, par force. Cela s'anime peu à peu : les comédiens échangent leurs rôles et le jeu se met en place avec tout de même primauté du texte. Le jeune Ernesto refuse d'aller à l'école, d'où une suite de séquences entre le directeur, la mère d'Ernesto et lui-même. Un leitmotiv' : « Pas la peine ! » Pas la peine de parler, non plus, dit-il et pourtant cela continue. Lors de l'interview de la sœur d'Ernesto par l'envoyé d'un journal pour enfants, Duras renoue avec l'absurde qu'elle a pu pratiquer ailleurs (notamment dans cette extraordinaire pièce qu'est « Les eaux et forêts »). Encore des confidences, une dernière image de feu dans la nuit, un texte en voix off et la pièce se termine, plutôt bien jouée, mais au service d'un sujet fort mince.

Après la petite Duras, voici le grand Molière, puisqu'on envisage ici les personnages de l'Avare, après la mort d'Harpagon. Que se disent-ils, comment évoquent-ils le passé et la figure paternelle, c'est le sujet de « Notre avare ». Pour ces deux couples d'amoureux, (Élise et Valère, Cléante et Marianne) l'heure devrait être à la fête : mais tout n'est pas réglé, et des vieilles rancœurs se font encore jour : on apprend au passage le détail des filouteries ourdies par Cléante et la Flèche, le valet. On revient sur le petit couloir qui menait au bureau du redoutable père. Ces morceaux qui sont dans Molière, mais isolés, presque cachés, intéressent. D'autant que ce retravail reste dans l'esprit et qu'on suit ces récits avec plaisir. Il y a une virtuosité dans les passages du style indirect au style direct. L'auteur en revient sagement aux quiproquos de la pièce (Harpagon et Cléante amoureux de la même femme…) et les comédiens se tirent formidablement de l'entreprise. Philippe Lardaut casse ainsi son image de jeune premier avec un jeu tirant vers le dessin animé ou le burlesque. Une extraordinaire Bélise, entremetteuse nous apparaît aussi, rôle tenu par la comédienne qui joue Marianne. D'ailleurs, autre trouvaille, les comédiens échangent le rôle d'Harpagon, avec ce signe distinctif qu'est la fraise du vieux grigou : ce qui nous vaut un monologue étonnant (le fameux « Au voleur, au voleur… ») joué par quatre Harpagon, se répondant, s'interpelant, se bousculant. On aurait pu en rester là, … mais l'auteur-adaptateur, sans doute pris par le regret de ne pas avoir assez bien servi Molière, enchaîne avec les scènes de la fin, les moins intéressantes puisque inspirées par un « deus ex machina » discutable. On connaît le mot : « Molière ne dénoue pas ses pièces, il les termine ». Bref, ça n'en finit plus et la patience du spectateur, après plus de deux heures de spectacle, s'en ressent.

C'est un peu dommage, car tout ce qui précédait était plaisant, enlevé, apportant même une lueur nouvelle sur l'œuvre et sur les relations père-enfants : le thème de la soirée, en quelque sorte.

 

Gérard NOEL

 

 

Pluie d'été

d'après Marguerite Duras.
Mise en scène et adaptation : Lucas Bonnifait.

Avec Jean-Claude Bonnifait, Ava Herier, Raouf Raïs.

Lumières : Alice Versieux et Karl-Ludwig Francisco.
Son : Sébastien Rouiller.
Musique : Cheree-Suicide.
Vidéo : Jean-Baptiste Saurel

 

Notre avare

d'après Molière.
Recomposition et mise en scène : Jean Boillot.
Dramaturgie : Christophe Triau.
Scénographie et costumes : Laurent Villerot.

Avec Isabelle Ronayette, Stéphanie Schwartzbrod, Philippe Lardaut, Benoît Marchand/Serge Brincat.

 

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