Théâtre de l'Est parisien
Direction Catherine Anne
159 avenue Gambetta
75980 Paris Cedex 20
Administration 01 40 31 20 96 - Fax 01 43 64 07 50
Borges vs Goya
mise en scène Arnaud Troalic
Le projet Borgès VS Goya est construit à partir de deux textes à une voix et sans relation apparente du metteur en scène et écrivain d'origine argentine Rodrigo Garcia. Ils sont joués simultanément en français et en espagnol sur-titré en français.
La mise en scène d'Arnaud Troalic, fait passer le spectateur d'un espace organisé ordonné à un espace désorganisé, chaotique. Au début, la scène est divisée en deux. D'un côté, un jeune homme à l'intérieur de sa vieille voiture qui souhaite partir détruire la tombe de Borgès parce qu'il a été profondément déçu que le grand Borgès n'ait pas fait entendre sa voix pendant que la dictature massacrait les argentins dans les années soixante dix, de l'autre
un
quinquagénaire insomniaque avec son canapé, sa bibliothèque et ses deux gosses, qui se demande s'il vaut mieux passer une nuit d'insomnie au Prado ou à Eurodisney. Puis cette structuration de l'espace est brisée, la ligne frontière entre le comédien Goya et le comédien Borges s'efface, le comédien Goya franchit le seuil, mime frénétiquement la sodomie du comédien Borges. On entre dans l'univers des spectacles de Rodrigo Garcia du début du nouveau millénaire,
caractérisé par cette volonté de briser les codes, les conventions, de ne s'imposer comme limites que celles de ses comédiens.
L'organisation initiale de l'espace comme espace d'exposition séparé et de mise en jeu des deux figures souligne d'un côté la question de l'engagement de l'écrivain dans la société avec cette interrogation l'écrivain, le poète doit-il se taire, fermer sa porte à double tour , délaisser le monde avec ses bruits, ses vacarmes, ses guerres, ses trahisons,
ses mensonges, ses tremblements de terre, ses centrales nucléaires qui menacent d'exploser
répandant la mort et les maladies à court ou long terme et se construire un petit nid tapissé de miroirs qui reflèteraient à l'infini toute la littérature du monde ou bien l'écrivain doit-il au contraire prendre partie, prêter sa voix à ceux qui seraient sans voix ; de l'autre côté, la culture classique dont les œuvres ont été validées par des siècles de commentaires dans laquelle se reconnaît une élite et qui aurait pour mission de participer à l'augmentation de l'esprit opposée
à une culture de masse dont le principal objectif serait de divertir, dans le sens de distraire, de détourner l'esprit pour le préparer au rituel quotidien de la consommation et qui à force viderait les personnes de leur conscience, considérant le cerveau de l'individu comme un organe à séduire afin de le rendre disponible.
Mais finalement Borgès Vs Goya se rejoignent sur la même scène, dans le miroir de l'époque, dans le miroir du monde ; un monde dans lequel tout peut être mis sur le même plan, dans lequel la catastrophe est quotidienne et dans lequel le rôle, la fonction de l'artiste ne peut cesser d'être interrogé et ne peut se réduire à une prise de position qui consisterait à dire que le bon artiste, c'est celui qui parle ou au contraire celui qui se tait.
Cette absence
de réponse, cette impossibilité de classer selon des critères qui rassemblent un maximum de personnes est aussi ce qui crée l'angoisse car désormais il est exigé de chacun une part de responsabilité dans l'organisation du monde et du sens, dans la société des individus chacun est invité ou subit l'injonction de se comporter comme Atlas : se courber, prendre le globe sur ses épaules, apprendre à marcher avec.
À en croire les applaudissements bien nourris, avec des rappels, il y a des fortes chances que vous y trouviez aussi chères lectrices, chers lecteurs quelques gouttes de plaisirs éphémères.
Charles Zindor
Mise en scène Arnaud Troalic
Avec Julien Flament, Arnaud Troalic
Conseil scénographique Raphaëlle Latini, Pascale Mandonnet
Collaboration artistique Anne-Sophie Pauchet
Dramaturgie Florence Gamblin
Dramaturgie et collaboration artistique Patrick Amar
Création vidéo Vincent Bosc
Création lumière Philippe Ferbourg
Réalisation bande-son Étienne Cuppens
Régie générale et programmation médias Grégoire Lerat ou Steven Guegan
Construction et réalisation Joël Cornet, Évelyne Villaime
Durée 1h05
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