Au Ciné 13 Théâtre
1 avenue Junot
75018 PARIS.
Métro Abbesses
Jusqu'au 19 mai
A 21h30 du mercredi au samedi et dimanche 17h30
01 42 54 15 12
Drôle de titre et drôle d'affiche, aussi, pour ce spectacle : on y voit en effet quatre visages en noir et blanc saisis par un photomaton des années 50. Il y a deux hommes et deux femmes.
D'entrée de jeu, sur une scène nue, la problématique est posée : le hasard peut-il tout ? Il peut beaucoup, en tout cas, et ce personnage, Arisky, va vite s'empresser de le vérifier avec sa voisine blonde. À coup de flambe et de tickets de Black Jack à gratter. Improbable mélange mais qui teinte toute la pièce : nous sommes transportés chez des adulescents intemporels qui joueraient leur vie sur un coup de dé, qui cherchent des sensations nouvelles, et dont les préoccupations
sont épidermiques, juste consacrées au moment présent. L'ami d'Arisky, Henry, apparaît, lunetteux et longiligne, comme le premier était carré et noiraud. Henry amène avec lui une jeune fille dépressive (ou en quête de rencontres inédites) et voilà notre trio lancé dans cette étrange entreprise : faciliter les amours d'Arisky avec une infirmière rencontrée aux urgences où il s'était rendu, suite à une mâchoire bloquée.
On le voit, c'est la loufoquerie pure qui règle les jeux et pérégrinations des personnages. Loufoquerie soutenue de belle manière par un langage vif, plein de coq à l'âne, d'envolées lyriques « pour rire », proférées comme si la vie de chacun en dépendait. Et elle en dépend : ce nouveau romantisme, qui finira mal d'ailleurs, surfe sur une vague peu exploitée au théâtre, qui pourrait s'apparenter à des personnages de Philippe de Broca (période Jean-Pierre
Cassel) ou bien à l'univers de Roland Dubillard. Mais foin de références, Paul Jeanson, l'auteur metteur en scène a son originalité propre, il développe un univers cohérent dont le burlesque charme à chaque instant. Il fait invectiver les « deux Magots » par un personnage, il baptise une des jeunes femmes « Betty Colls » à cause de son côté « collant », ce qui permet au passage des variations sur « Superglu » ou « Uhu ». Il lui prête aussi une magistrale tirade sur l'amour et la quête de tendresse, …on
en pleurerait.
Mais pour l'essentiel, on en rit. Et beaucoup. C'est à la fois intelligent et jubilatoire. L'absence de décor (qui permet d'être dans la rue, dans un appartement, en bord de Seine, …) sert un texte qui éclate. Rien ne nous en détourne. Quant au jeu des comédiens, il est parfait, chacun alliant mobilité et agilité corporelle, et cette façon, unique, de créer un personnage à partir de rien, une posture, un tic, tout en le faisant évoluer subtilement
au cours de l'action. En un mot, de la belle ouvrage.
Déjà une quinzaine de jours qu'ils jouent et cela dure jusqu'au 19 mai. Ce serait dommage, vraiment, de rater un tel petit bijou !
Gérard Noël
Betty Colls
écrit et mis en scène par Paul Jeanson.
Avec Bastien Bernini, Paul de Launoy, Sophie de Fürst et Ophélie Clavie.
Son, Manu Nappey.
Costumes, May Katrem.
Lumières, Stephane Deschamps.
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