BETTY COLLS
Théâtre De Belleville
94 Rue du Faubourg du Temple
75011 Paris
Tél 01 48 06 72 34
Jusqu'au 28 juillet 2013
Du mardi au samedi à 21h30, le dimanche à 15h00
Paul Janson écrit et met en scène une pièce forte et puissante, surprenante et dérangeante, sombre et drôle, poétique et provocatrice.
L'écriture est dense, d'un humour décalé très maîtrisé, avec des répliques d'une redoutable efficacité où les mots s'envolent et claquent, chantent et crient, avec parfois de belles envolées, dans un style à la fois recherché et familier.
À travers quatre personnages, il nous parle du mal être de jeunes livrés à eux-mêmes, prêts à tout pour tromper leur ennui dans une quête éperdue de jouissance, où se côtoient scènes comiques puis dramatiques où sont présentes de nombreuses références cinématographiques, de Pierrot le fou – le célèbre « Je m'ennuie » d'Anna Karina – en passant par une atmosphère Orange mécanique, un clin d'œil aux Tontons flingueurs et la célèbre réplique « Moi quand on m'en fait trop j'correctionne plus, j'dynamite... j'disperse... et j'ventile... » dans l'hilarante scène des Trois Magots, pour finir avec la musique des Valseuses.
Le plateau est nu, le décor est porté par l'imagination, créé par la force des mots et l'interprétation hors pair des quatre jeunes comédiens véritablement bluffants qui allient jeu intense et gestuelle de mime impressionnante de justesse, comme le soulignait l'an dernier notre chroniqueur Gérard Noël « cette façon, unique de créer un personnage à partir de rien, une posture, un tic, tout en le faisant évoluer subtilement au cours de l'action. »
Dans cette nuit parisienne où tout peut arriver, sous ce ciel violet propice à l'aventure, ils nous entraînent dans leur descente aux enfers entre poésie et folie avec une force incroyable, guidés par une mise en scène sobre et puissante, où le moindre geste, le moindre déplacement fait sens, dans ce drôle de jeu qui, comme les amours, finit mal.
Bastien Bernini incarne avec une conviction qui nous emporte un Arisky d'une bohème aristocratique émouvante, frère de Gérard de Nerval et de Boris Vian. Meneur de jeu inconscient, il sera le seul , touchant et pathétique, à réaliser vraiment la portée de leurs actes.
Paul de Launoy, grand, mince, dégingandé dans son pantalon trop court et sa veste cintrée, incarne avec maestria un romantisme et une folie assumés.
Ophélie Clavie est une Betty exceptionnelle, touchante dans sa quête désespérée d'amour et de reconnaissance.
Jeanne Arènes, qui remplaçait exceptionnellement Sophie de Fürst, enfin se taille la part du lion dans deux scènes remarquables où elle nous donne littéralement le frisson.
Voilà vraiment un spectacle à voir absolument ; d'une beauté cruelle, il nous fait rire beaucoup en même temps qu'il soulève en nous des tas d'émotions diverses, pour nous laisser groggy, tétanisé par cette superbe analyse sans concession mais décrite avec un humour ravageur d'une société qui n'a plus de repères.
Nicole Bourbon
Betty Colls
De Paul Jeanson
Mise en en scène : Paul Jeanson
Avec : Sophie de Fürst ou Jeanne Arènes, Bastien Bernini, Paul de Launoy, Ophélie Clavie