BÉRÉNICE

Théâtre des Quartiers d'Ivry/Manufacture des Oeillets,
1 place Pierre Gosnat
94 Ivry-sur-Seine.
01 43 90 11 11 

Jusqu’au 24 mars 2019 
jeudi à 19h, 
lundi et vendredi à 20,
samedi à 18h et  dimanche à 16h,

Puis en tournée à Maison-Alfort (30/11), Chartres (17/12), Cesson Sévigné (19/12), Draguignan et Aix-en-Provence (en 2020)

 

loupePhoto  Grégoire de Calignon

« Rome, par une loi qui ne se peut changer,
N'admet avec son sang aucun sang étranger,
Et ne reconnaît point les fruits illégitimes
Qui naissent d'un hymen contraire à ses maximes.
 »

À la scène 2 de l'acte 2, Paulin, le confident de Titus dit tout : la pièce entière, qui s'ouvre pourtant sur l'annonce du mariage de Titus et Bérénice, va être une série de variations sur ce thème. Racine est, dit-on, le spécialiste de l'âme humaine, le théoricien des sentiments. Ici, il paraît plus cérébal et compliqué : la passion des deux amants est si corsetée par Rome et ses impératifs, qu'elle peine à s'exprimer.

Antiochus, au début de la pièce, veut fuir Bérénice, qu'il aime sans être payé en retour, thème éminemment racinien. Titus clame, lui, qu'il doit, mais ne peut finalement pas épouser la reine. Bérénice l'aime et le lui dit. Titus va pour lui faire part de sa décision, mais n'ose pas. Il charge (ironie !) Antiochus de le lui dire. Antiochus pourrait légitimement se réjouir... mais il tergiverse, hésite, lui aussi, à éclairer Bérénice sur la situation. Il craque, même et ne veut plus revoir la reine. Après un petit intermède dansé (qui pourrait évoquer Pina Baush) Titus se résout enfin à parler à Bérénice et ce n'est pas fini...

Cette pièce ne serait-elle qu'une suite de rendez-vous manqués ? De confessions ou d'aveux qui se cherchent et ne se posent jamais ? Que le ballet de personnages qui ne vont pas au bout de leurs choix ?  Bérénice est plus cohérente : c'est le rôle fort de la pièce. Par son talent, Valérie Dréville charge d'émotion vibrante ses répliques, et par-delà les siècles, nous présente une figure plausible et bien plus, de Bérénice.

Dans un rectangle rouge (le carré VIP ?) les personnages vont se confronter et se déchirer. Des bancs situés tout autour, leur permettent de se poser quand il ne sont pas en scène. Cette formule, déjà vue, apporte-t-elle vraiment quelque chose à la pièce ?
La mise en scène se veut fluide, mais elle pêcherait peut-être par excès de statisme.

Seul semble compter, pour le metteur en scène, le texte de Racine, qui prend, dans un tel dépouillement, toute sa mesure. Il est dit avec une belle et pénétrante acuité.

Costumes modernes, pour souligner combien cette problématique est universelle.

Les comédiens, eux, assurent : en Antiochus, Anthony Paliotti offre une figure tourmentée avec un jeu tout en suspension et douleur contenue. Plus solaire, Stéphane Brel est un Titus écartelé entre amour et respect des lois (la crainte du Sénat romain, toujours !). Phrasé très personnel et silhouette menue cachant une force insupçonnée, Sabrina Kouroughli est Arsace, (version féminine, pourquoi pas ? du confident d'Antiochus) .
Quant à Valérie Dréville, répétons-le, elle porte la pièce sur ses épaules : on guette ses réactions, on se passionne pour son jeu, pour l'autorité et les nuances qu'elle apporte au rôle.

Gérard Noël

 

Bérénice

de Jean Racine. Mise en scène : Gaétan Vassart, collaboration artistique : Sabrina Kouroughli
Scénographie : Camille Duchemin
Lumières : Franck Thevenon
Son : Aline Loustalot
Costumes : Camille Aït Allouache
Vidéo : Grégoire de Calignon
Chorégraphie : Caroline Marcadé

Avec : Stéphane Brel, Valérie Dréville, Sabrina Kouroughli, Anthony Paliotti, Marousssia Pourpoint, Gaétan Vassart

 

Mis en ligne le 17 mars 2019