BEAUCOUP DE BRUIT POUR RIEN |
Théâtre le Ranelagh Il est très à la mode de revisiter les classiques, avec plus ou moins de bonheur. C'est à Shakespeare que se sont attaqués Vincent Caire et Gaël Colin en installant l'action de « Beaucoup de bruit pour rien » dans un western spaghetti à la sauce Sergio Léone, avec une bande son en forme de clin d'œil à Ennio Morricone. Le thème qui met en scène des officiers peut en effet passer sans dommage de l'Italie aux grands espaces américains au moment de la fin de la guerre de Sécession. Autant le dire tout de suite : si vous êtes allergiques aux hommes dansant un square danse en justaucorps et bas résilles, si vous supportez mal les grosses ficelles comiques, les personnages caricaturaux aux propos gratinés, si le comique de répétition vous ennuie, passez votre chemin, ce spectacle n'est pas pour vous, car les metteurs en scène se sont livrés à une exagération décapante du festif, de la trivialité, des combats, des grosses blagues et des épisodes crus chers à l'auteur. Ils nous livrent ici en effet un Shakespeare à la puissance 10 au moins, mariant sans barguigner le langage châtié à l'univers rustre des westerns, ne rechignant pas à installer les personnages dans une pissotière et transformant sans état d'âme le shérif et son adjoint en personnages burlesques grandguignolesques. Le décor d'un saloon se transforme astucieusement au gré des scènes et grâce à quelques manipulations et accessoires en prison, en rue, en chambre ou encore en chapelle. Les costumes sont particulièrement soignés. Mais ce qui emporte sans conteste l'adhésion c'est le talent des comédiens au jeu très maîtrisé, campant à eux huit une vingtaine de personnages, capables de balancer les répliques les plus potaches suivies dans la foulée d'une tirade littéraire et de réussir au milieu de scènes complètement déjantées à nous servir une merveilleuse séquence d'une grande force dramatique lorsque Claudio humilie Hero le jour de leurs noces, dénonçant avec force la lâcheté des hommes et la malheureuse condition sociale des femmes.. J'aurais pour ma part souhaité que le côté western soit davantage accentué, et présent autrement que par les costumes et le décor, avec des clins d'œil pas uniquement cantonnés à la bande son, en incluant par exemple quelques répliques ou scènes cultes du genre, l'intérêt majeur restant finalement de donner envie de relire le texte original.
Nicole Bourbon
Beaucoup de bruit pour rien Auteur : Shakespeare Avec : Mathilde Puget, Tiphaine Vaur, Auguste Bruneau, Vincent Caire, Damien Coden, Gaël Colin, Cédric Mièle, Alexandre Tourneur Lumières : Max Gingold
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