AUX SUIVANTS
Théâtre Paris Villette
211, avenue Jean-Jaurès
75019 Paris
01 40 03 72 23
Jusqu’au 5 juin
samedi 4 juin à 20h00
dimanche 5 juin à 16h00
« Aux suivants » est un bilan présenté sous forme de conte. Un Il était une fois qui raconte notre époque actuelle avec ses naufrages économiques et écologiques et ses soubresauts de révoltes épisodiques et/ou prévisibles. Bref, l’idée est de faire une sorte de conte épique de notre société, décrite du point de vue de la jeunesse. C’est une manière de mettre une distance louable avec le réalisme brut et d’éviter le théâtre documentaire qui pour ce sujet n’arriverait pas à la cheville du premier journal télévisé venu.
Outre le narrateur qui intervient régulièrement tout au long de la pièce, le spectacle est structuré par l’histoire de trois personnages qui évoluent dans la même entreprise : les deux frères qui viennent d’hériter de l’entreprise à la suite du décès du père (à eux de savoir s’ils vont continuer son œuvre) et la secrétaire de direction de cette boîte qui elle, doit rembourser à ses parents (enfin parvenus à la retraite) les frais que son élevage et son éducation leur a coûté.
Une idée vivifiante que cette histoire de remboursement de tous les frais occasionnés par cette enfant, une thématique qui fait aussitôt s’envoler les imaginaires : l’absurde, la folie et la profonde violence que cette situation entraîne fatalement sont comme des bonbons acidulés qui fondent sous la langue.
Oui. Il s’agit ici d’héritage, mais d’héritage d’un monde en faillite, un monde en crise, l’héritage des dettes. Telle est la position de cette jeunesse à qui il est demandé de prendre en charge les débits fait par les générations précédentes.
La trame est calquée sur la situation économique de tous les pays occidentaux : une illustration à échelle humaine de l’horrible et tentaculaire dette – qu’elle soit morale, mais aussi politique, financière et sentimentale.
Pour l’écriture de cette création, Charlotte Lagrange a travaillé partiellement au plateau avec ses comédiens lors d’improvisations. Le résultat est un spectacle hybride qui décline de façon raisonnable les situations de départ et se tient sagement dans les bornes des thématiques abordées.
Elle y fait un usage important de symbolismes divers (comme ce volcan sur lequel l’entreprise a implanté un chantier qui peut être pris comme symbole de la nature en révolte ou des classes sociales humiliées prêtes à exploser…).
L’espace scénique est séparé en deux : à jardin le bureau directorial de l’entreprise, à cour la table à manger familiale de la famille de la jeune femme. Un effort tout particulier a été fait pour l’esthétique de cette scénographie joliment soulignée par une lumière élaborée : ainsi les ambiances déclinent les heures du jour, et les manipulations fait varier les espaces et font voyager de lieux en lieux.
Les scènes, aux dialogues courts et efficaces, sont pleinement tournées vers l’avancée de l’action. Ce qui fait qu’on a du mal à s’attacher à ces personnages qui à force d’être génériques et symboliques d’une génération, manquent cruellement de personnalité.
Cette description de fin d’un monde reste en fait très cérébrale, très académique, même si le jeu et l’enchaînement des scènes tentent de briser l’aspect « démonstration universitaire ». On regrette un manque de dramaturgie que mériterait cette sorte d’exaltante fin d’un monde.
Bruno Fougniès
Aux suivants
Texte et mise en scène Charlotte Lagrange
Avec Hugues De La Salle, Guillaume Fafiotte, Julie Palmier, Martin Selze, Marie-Aude Weiss
Lumière Claire Gondrexon
Son Samuel Favart Mikcha
Régie générale Olivier Fauvel
Scénographie, Costumes Camille Riquier
Codirectrice de la compagnie Sabrina Fuchs
Mis en ligne le 4 juin 2016