Il y a quelques années, lors des épreuves du baccalauréat, un candidat a rendu une feuille blanche en philo. La question était : qu'est ce que le culot ? Il a eu 20.

Là avec aPhone, je serais presque tentée de faire pareil. À la question « qu'avez vous pensé d'aPhone », je rendrais bien une feuille blanche tant la pièce m'a laissée « sans voix », soit aPhone ! 

Et je n'étais pas la seule car les réactions, ou plutôt l'absence de réactions ce soir là dans la salle,  étaient inversement proportionnelles à l'incontestable énergie déployée sur scène.

Mais l'énergie n'est pas suffisante ! Sans texte même minimum, sans fil même invisible, point de salut …

Pourtant, il y avait de bonnes idées et un point de départ accrocheur annoncé dans le titre : le lancement sur le marché du nouvel « aPhone » 10 qui fonctionne avec la pensée. On imagine aisément les dérives potentielles engendrées par un tel engin. Mais cela aurait été sûrement trop facile pour l'auteur d'exploiter ce filon et, du coup, la source se tarit vite et on part ailleurs. Où ? Un peu n'importe où, en tout cas, dans des endroits où on ne prend pas le soin d'embarquer le public qui s'ennuie ferme malgré le déploiement de moyens investis dans cette production cartoonesque. Parmi les situations incongrues, je me souviens d'une rencontre de grands patrons dans les Twin Towers, un braquage de banque interminable mais aussi des références à des héros de bandes dessinées, de jeux vidéos… Un grand melting pot assez indigeste, il faut l'avouer !

 D'ailleurs, les comédiens, malins, pressentant que leur cause n'est pas gagnée tentent de désamorcer la critique en parodiant par deux fois les journalistes du « masque et la plume » rebaptisée pour la circonstance « le masque et la palette graphique »… Et naturellement mes confrères singés font une critique qui ressemble à celle que je suis en train d'écrire en ce moment. « C'est totalement décousu, c'est du grand n'importe quoi... ». J'aurais dû les enregistrer, cela m'aurait fait moins de travail ! Mais j'assume et les comédiens aussi d'ailleurs !

Disons que c'est un genre qui n'est pas le mien, qui n'était pas non plus celui du public ce soir-là et dont les comédiens semblent néanmoins se régaler.

Mon seul rire fut pour le lancement d'une application qui indexe le prix du café sur le cours de la bourse ce qui, par conséquent, modifie son prix en permanence  au bistrot. À chacun de saisir le meilleur moment pour régler sa note ! J'aurais aimé davantage de fulgurances de ce genre.

Patricia Lacan Martin

 

 

aPhone

Mis en scène par l'auteur Jérémy Manesse

Avec Christine Anglio, Morgane Bontemps, Odile Huleux, Benjamin Alazraki, Jérémy Manesse et Philippe Manesse.