ANQUETIL TOUT SEUL
Studio Hébertot
78bis boulevard des Batignolles
75017 Paris
Tel : 01 42 93 13 04
à partir du mardi 6 Septembre
du mardi au samedi à 19h00 et tous les dimanches à 17h00
« Anquetil jouissait de la bienveillance des vents, son nez aigu et son visage de fine lame lui ouvraient la route et son corps tout entier se coulait derrière, fendant les mistrals, pénétrant les bises d’hiver et les autans d’été ».
C’est rien de dire que Paul Fournel, l’auteur, est passionné par le champion.
Dans un livre paru en 2012, magnifiquement écrit comme le court extrait ci-dessus donne une idée, il le raconte d’une façon qui avait subjugué bien des lecteurs dont Roland Guenoun qui confie :
« J’ai choisi d’adapter ce texte au théâtre pour sa beauté rude, la résonnance en moi de la “passion” Anquetil, l’intemporalité des thèmes abordés, le dopage, l’argent, la gloire, l’amour et la puissance évocatrice des courses que “Maître Jacques” nous fait revivre. »
C’est ainsi que sous sa direction le livre devint véritablement œuvre théâtrale, grâce à une mise en scène intelligente où la vidéo participe pleinement à l’action dans un décor fait uniquement de panneaux écrans. Et grâce à une interprétation bluffante de trois comédiens véritablement « habités » par leurs rôles.
Il faut saluer la performance accomplie par Matila Malliarakis. Sur son vélo la plus grande partie du temps, il est véritablement Anquetil avec toute la force évocatrice d’un champion avec sa volonté, son élégance, son côté hautain, ses faiblesses, ses douleurs.
Dans la scène où il raconte le fameux exploit de 1965 où Anquetil enchaina le critérium du Dauphiné Libéré et le Bordeaux-Paris, il faut le voir épuisé, prêt à renoncer, puis remontant sur son vélo, visage creusé par l’effort, transpirant. Il pédale, il pédale de plus en plus vite, dos courbé sur la machine, et en même temps il n’arrête pas de parler, nous faisant véritablement ressentir son calvaire. Un grand moment.
Clémentine Lebocey incarne avec grâce le personnage féminin, l’épouse Janine, toujours présente mais aussi brièvement sa fille et sa petite fille. Car si Anquetil fut quelqu’un de hors norme dans sa profession, il le fut aussi dans sa vie privée, évoquée ici avec pudeur, car l’homme enleva son épouse à son médecin, éleva les deux enfants du couple puis, Janine ne pouvant plus avoir d’enfant, en fit un avec la fille de cette dernière. Perversité, superbe preuve d’amour ? Ceci est leur secret et l’auteur se garde bien de juger.
Stéphane Olivié Bisson est tout aussi impressionnant dans le rôle du narrateur, aussi à l’aise lorsqu’il se raconte que quand épisodiquement il incarne d’autres personnages, un Geminiani brutal, un Poulidor plus vrai que nature. Jusqu’à la fin, surprenante et émouvante.
Un spectacle qui évoquera bien des souvenirs aux personnes de ma génération, souvenirs d’une époque en noir et blanc, où un champion pouvait ouvertement avouer se doper.
Je conclurais avec les mots de Paul Fournel si explicites, si élégants aussi et qui résument bien le personnage et les sentiments qu’il pouvait faire naitre :
« J'avais dix ans, j'étais petit, brun et rond ; il était grand, blond et mince et je voulais être lui. Je voulais son vélo, son allure, sa nonchalance, son élégance. J'avais trouvé en même temps mon modèle et mon contraire. Jacques Anquetil a traversé mon enfance cycliste comme une majestueuse caravelle. Il était le plus beau cycliste possible. Je l'ai suivi, je l'ai admiré sans jamais chercher à le comprendre, ajoutant du mystère à son mystère. Il avait l'âme complexe, ses motivations étaient contradictoires, son élégance tranchait dans le peloton, sa vie de château sentait le parfum et la poudre. »
Nicole Bourbon
Anquetil tout seul
de Paul Fournel
Mise en scène de Guenoun Roland
Avec Matila Malliarakis, Clémentine Lebocey, Stéphane Olivié- Bisson
Scénographie Marc Thiébault
Musique Nicolas
Jorelle
Lumières Xavier Duthu
Son Yoann Perez
Mis en ligne le 13 janvier 2016
Actualisé le 29 août 2016