ANNABELLA : DOMMAGE QUE CE SOIT UNE PUTAIN
Théâtre de la Tempête (salle Copi)
Cartoucherie
Route du Champ-de-Manoeuvre
75012 Paris
Tél: 01 43 28 36 36
Jusqu’au 17 avril 2016
du mardi au samedi à 20h30, le dimanche à 16h30
John Ford, est un dramaturge élisabéthain, une génération plus tard que Shakespeare, dont l’œuvre la plus célèbre est « Annabella », plus connue sous le titre de « Dommage que ce soit une putain ». C’est une sombre histoire d’inceste entre frère et sœur, avec toutes les conséquences que cela implique : il y a plusieurs autres prétendants (l’un finit d’ailleurs par arriver à ses fins), des vengeances, dont une se trompe de victime, un moine de bon conseil (comme le frère Laurent de « Roméo et Juliette ») plus une fin tragique…et sanglante.
Fidèle au texte original, l’adaptation mêle habilement morceaux de bravoure, passages poétiques et blagues nettement sous la ceinture. Ainsi aujourd’hui, comme dans ces théâtres en rond où les gens se mélangeaient, tout le monde y trouve son compte. Le rideau noir du fond est tagué, les costumes sont modernes : certains trouveront peut-être que c’est un peu trop, mais si on accepte le principe, tout fonctionne parfaitement et de façon souvent jubilatoire.
Les comédiens jouent avec finesse ce drame « plein de bruit et de fureur » lui aussi, mais que le traitement parsème de pointes d’humour. On ne saurait, bien sûr, jouer J. Ford comme en 1633, année de la création. Il faut donc conserver l’essentiel, mais que le public sente le deuxième degré. À cette condition, comme l’écrit Frédéric Jessua, ci-devant adaptateur et metteur en scène : « Les thématiques en jeu – l’aveuglement de la famille, la mise en défaut de la religion face au passage à l’acte, la toute-puissance de la femme dans la relation amoureuse – permettent à la pièce de traverser les âges. »
Les comédiens étant également musiciens, cela nous vaut des morceaux joués sur scène avec parfois des danses à la clé. Tatiana Spivakova est très convaincante en Annabelle. De même que Baptiste Chabaudit (Giovanni). Harrison Arévalo est réjouissant, plus italien que nature, dans le rôle de Bergetto. Une mention spéciale pour Justine Bachelet, petit ange maléfique, derrière la rigueur de ses lunettes. Elle est tout aussi crédible dans le rôle d’une amoureuse de moins en moins transie.
Gérard Noël
Annabella
Pièce de John Ford.
Traduction et adaptation : Frédéric Jessua et Vincent Thépaut.
Mise en scène : Frédéric Jessua.
Avec : Justine Bachelet, Elsa Grzeszczrévalo, Jean-Claude Bonnifait, Baptiste Chabauty, Frédéric Jessua, Thomas Matalou, Vincent Thépaut.
Scénographie : Charles Chauvet
Lumières et régie générale : Marinette Buchy
Costumes : Julie Camus, assistée par Fanny Véran
Maquillage : Élodie Martin
Dramaturgie : Vincent Thépaut
Régie : Gilles David, Yann Nédélec
Mis en ligne le 21 mars 2016