ALORS JE N’AURAI PAS VÉCU EN VAIN
Lecture faisant partie du cycle « À Haute Voix ! »
Théâtre de l’Atelier
1 place Charles Dullin
75018 Paris
Jusqu’au 31 mai à 21h00
voir programme en fin de l’article, lectures mises en espace différentes chaque soir de représentation.
L’un est un peu plus connu que l’autre, mais tous deux ont énormément de choses en commun : américains, noirs, vivant dans les années soixante, engagés de manière différente dans le combat pour l’égalité et la fin de la ségrégation, disparus tous les deux de mort violente.
Est-il besoin de présenter le pasteur Martin Luther King devenu le porte-parole de l’injustice faite aux noirs américains, de leur colère, de leur volonté d’égalité ? Mais également opposant à la guerre du Vietnam entre autre. Un lutteur pacifique, porté par sa religion pour préférer le dialogue à la violence qui a su mettre des mots aux souffrances, aux vexations et aux brutalités faites aux Afro-Américains. Le plus connu de ses discours, I Have A Dream, est devenu presque un hymne contre tous les racismes.
Georges Jackson est un personnage beaucoup moins médiatique. On pourrait dire un homme normal, banal, si être condamné à perpétuité en pleine jeunesse pour un vol de moins de cent dollars était une chose normale, banale. Pourtant, à cette époque, début des années soixante, quand on sait que le Ku Klux Klan était encore actif, le cas de Georges Jackson semble être presque banal.
La ségrégation, cette loi inhumaine promulguée par le pays qui se prétend le champion du respect des libertés, donnait licence à tous les comportements violents envers la communauté noire. C’est un des dangers que rappelle le texte de cette lecture.
Une lecture qui entrecroise discours, déclarations et pensées de Martin Luther King avec des lettres que Georges Jackson écrivit à sa mère durant une dizaine d’années d’incarcération. Ce dernier, en butte quotidienne avec racisme, meurtres et brutalités qui au fil du temps durcit son cœur, étouffe l’enfant qui est encore en lui et décide de rentrer dans le combat contre les blancs. Mais lui prend l’option Malcom X et des Black Panthers.
Pour incarner ces deux figures, Lucien Jean-Baptiste dans rôle du pasteur King et Cyril Guei dans celui de Georges Jackson. Le premier donne douceur et clarté à son propos, tandis que du second sourd une vibration plus émotive, retenue mais prête à tout emporter.
La mise en voix de Sally Micaleff installe les deux interprètes face au public, le premier derrière un pupitre, l’autre assis à une table qui ressemble à un maigre établi.
Le tout, dans une admirable sobriété, permet aux mots du très beau texte de Pierre Tré-Hardy de donner à plein. Les destins des deux hommes avancent l’un et l’autre dans une actualité d’époque que l’on partage. Les deux vies, sans jamais se croiser, se répondent. Les deux discours, tout en étant parfois opposés dans les modes d’actions, finissent par se teinter de la même fougue, de la même énergie, celle qui vient du ventre déchirée par l’injustice trop longtemps subie.
Enfin, les deux hommes, qui chacun à sa manière changèrent le monde de demain, finissent l’un et l’autre assassinés. Paroles qu’il faut faire taire…
Voilà une très belle mise en perspective qui, même si l’intitulé d’une telle performance est Lecture, finira par ressembler dans les mémoires de ceux qui y ont assisté, à un spectacle comme un autre, grâce au beau travail de montée en puissance des comédiens, mais aussi au texte vif qui ne lasse pas et à la mise en scène suffisamment expressive pour que l’imaginaire s’envole.
Bruno Fougniès
Alors je n’aurai pas vécu en vain, Martin Luther King / Georges Jackson
Texte de Pierre Tré-Hardy
Mise en voix de Sally Micaleff
Avec Lucien Jean-Baptiste et Cyril Guei
La suite des lectures « À haute Voix ! »
Mardi 16 mai à 21h : La Chute Albert Camus adaptation Catherine Camus Et François Chaumette mise en scène et avec Ivan Morane
Mercredi 17 mai à 21h : Le Tribun “pour un orateur politique, éclats de fanfares et haut-parleurs” de Mauricio Kagel mis en scène par Charles Torjmann avec Dominique Pinon
Jeudi 18 mai à 21h : Je veux espérer encore Jean Jaurès conception et mise en espace Léonard Matton avec Richard Bohringer
Vendredi 19 mai à 21h : Marie-antoinette correspondances privées d’Evelyne Lever mise en scène de Sally Micaleff avec Fabienne Périneau
Samedi 20 mai à 21h : Elles prennent la parole mise en voix d’Anouche Setbon avec Nathalie Cerda, Julie Depardieu, Andréa Ferréol et Juliette Biry
Mardi 23 et mercredi 24 mai à 21h : Zhumains, conférence-spectacle « anti-fin du monde » de et avec Catherine Dolto et Emma Le Clown
Mercredi 31 Mai à 21h : Les rebelles de et par Le Salon Des Dames
Mis en ligne le 13 mai 2017