ALLERS-RETOURS
Théâtre de l'Épée de Bois, la Cartoucherie
route du Champ de Manoeuvre
75012 Paris.
01 48 08 39 74
Jusqu’au 23 décembre 2018
jeudi et vendredi à 20h30
samedi à 16h et 20h30.
Dimanche à 16h.
D'Odön von Orvath, on monte souvent ses pièces les plus connues, comme "Casimir et Caroline" ou encore "Don Juan revient de guerre". Alain Batis a choisi de se pencher sur une œuvre plus rare de ce dramaturge de langue allemande né en Croatie. Avec raison. Elle a en effet d'étranges résonnances avec l'actualité : un nommé Havlicek, expulsé de son pays est vivement incité à retourner dans son pays natal (et limitrophe). Or, on ne l'y reconnaît plus : on le refoule, même, avec la dernière énergie. Voilà notre homme "heimatlos", c'est à dire sans patrie. Condamné aux allers retours du titre entre les deux frontières, finit par occuper, faute de mieux un espace neutre, le pont entre les deux pays.
Le début est classique, et les douaniers des deux frontières existent avec leur truculence. On apprend leur histoire, on partage leur quotidien, on note que la fille de l'un est amoureuse (au grand dam de son père) du jeune et sémillant douanier de l'autre bord. Il y a aussi une veuve qui tient une auberge en faillite, un pêcheur et sa femme (couple en crise).
Tout est prêt pour des scènes bouffonnes, des revirements, des trouvailles (relayées et enrichies par d'autres effets dus à la mise en scène). Des trafiquants sont aussi de passage et même les premiers ministres respectifs des deux pays : petite silhouette à la Chaplin, ballotée par tous ces élements qui le dépassent, tour à tour outré, accablé, ou résigné, la malheureux Havilcek va vivre moultes aventures, pour le plus grand bonheur des spectateurs.
Dans le rôle, Raphaël Almosni est excellent. Très juste. Le travail du metteur en scène a consisté, entre autres, à animer ce va-et-vient burlesque, mais aussi à mêler des types de jeux très différents : réaliste ici, clownesque ailleurs et cela fait un spectacle jubilatoire. On ne sait jamais exactement ce qui va se passer, mais la pièce déroule sa trame logique jusqu'à la fin... trop belle pour être vraie, trop "arrangée" pour qu'on n'y voie pas une parodie des mélos de l'époque (les années 30). Le message, puisqu'il y en a un, bien sûr, est fort mais se dégage de lui-même, sans qu'il y ait besoin de forcer la note, d'en souligner tel ou tel aspect.
Kafkaïenne, flirtant avec le grotesque... mais en même temps maligne, cette pièce est un petit bijou. Tous les comédiens sont au diapason, les éclairages sont beaux et le jeu avec les éléments du décor très parlant.
À voir, donc.
Gérard Noël
Allers-retours
de Odön von Orvath. Mise en scène : Alain Batis.
Dramaturgie : Jean-Louis Besson
Avec : Raphaël Almosni, Sylvia Amato, Alain Carnat, Laurent Desponds, Théo Kerfridin, Sophie Kircher, Marc Ségala, Marie-Céline Tuvache
Scénographie : Sandrine Lamblin
Musique : Cyriaque Bellot
Costumes : Jean-Louis Scotto
Lumières : Jean-Louis Martineau
Perruques et maquillage : Judith Scotto
Régie lumières : Emilie Cerniaut
Régie son : Gaultier Patrice
Mis en ligne le 10 décembre 2018