ALA TÉ SUNOGO / DIEU NE DORT PAS |
Au Théâtre du Grand Parquet Ce spectacle coloré et joyeux appartient au genre du « koteba », farce burlesque de critique sociale jouée dans les villages bambarras. Il s'agit ici d'un koteba chorégraphique, vu la place tenue par la danse. Au départ était un personnage féminin nommé Bougougniéré. Elle connut, depuis les années 80 plusieurs aventures, jusqu'à celle-ci qui raconte l'histoire de Solo, un jeune muet vivant dans la rue. Il est recueilli par Goundo, la propre fille de Bougougnéré, tombée sous le charme. Il danse superbement, ce jeune et l'idée vient à Bougougnéré de la faire engager par Cheikna, jeune directeur d'un centre culturel. Mais celui-ci a d'autres soucis : il est harcelé par des impôts excessifs, la concurrence et surtout une administration tatillonne et largement corrompue. Cette histoire navigue donc entre le privé et le public et la critique politique est loin d'en être absente. Les scènes s'enchainent, bien jouées, avec ce qu'il faut d'efficacité pour déclencher le rire ou l'émotion selon les cas. C'est l'occasion, pour l'auteur, d'asséner quelques vérités dérangeantes sur le Mali, et de brocarder gentiment les us et coutumes des Africains. Ainsi Bougougnéré, déguisée en « Superbougou » confesse ne plus croire en la magie noire mais plutôt en la magie jaune vu l'importance prise par les Chinois. Les fonctionnaires font tout pour décourager le jeune entrepreneur : demandes de pots-de-vin, intimidation, quand il ne s'agit pas de chantage à la drague (scène hilarante jouée par un des comédiens travestis). Même sur les juges, on ne peut pas trop compter : l'un commence son discours par « au nom des pouvoirs qui me sont tombés dessus » Tout est à l'avenant, marqué par une solide ironie qui nous fait rire ou sourire, nous les Toubabs (Blancs) mais fait hurler de joie les Africains présents dans la salle. À partir de rien ou presque, juste par la grâce de son énergie communicative, cette troupe nous fait partager un monde et une vision d'un pays, le Mali. Signalons d'ailleurs que le coup d'état du 22 mars 2012 interrompit la création de ce spectacle pour le moins prémonitoire. Texte efficace, nous l'avons dit, de J.L Sagot-Duvauroux et mise en scène savoureuse de l'auteur avec Ndji Traoré. Côté décor, une table basse, deux fauteuils, une bassine, un bureau et on y est. Les comédiens sont chacun à leur place, mais saluons la présence tonique de Diarrah Sanogo en Bougouniéré et surtout la charge truculente apportée par Adama Bakayoko en juge, huissier, inspecteur ou secrétaire énamourée. Et le spectacle finit, brillamment en dansant.
Gérard NOEL
Ala té sunogo / Dieu ne dort pas Un spectacle de BlonBa Avec : Adama Bakayoko, Alimata Baldé, Diarrah Sanogo, Sidy Soumaoro, Souleymane Sanogo et Tidiani Ndiaye (en alternance) Musique : Issiaka Kanté, Idrissa Soumaoro
|