AFFABULAZIONE
Théâtre national de la Colline
Grand théâtre
15, rue Malte-Brun
75020 Paris
01 44 62 52 52
Jusqu’au 6 juin 2015
Du mercredi au samedi à 20h30, le mardi à 19h30 et le dimanche à 15h30
« Prenons les deux cas les plus ordinaires : c’est-à-dire celui où le père ignore, et celui où le père hait son fils » (Affabulazione, 8e épisode).
On est plus habitués à considérer le père du point de vue du fils. Moins à voir le fils du point de vue du père. Un père vieillissant et malade. Un fils terriblement jeune c’est-à-dire blond, vigoureux et insouciant, viril. C’en est trop pour le père qui ne supporte pas de se voir dépossédé de sa place d’homme fort et remplacé par celui en qui son rêve devrait se poursuivre ; et c’est donc le père et non le fils qui transforme leur relation en une rivalité malsaine et haineuse, pleine d’aigreur.
Stanislas Nordey, dont on sait le rapport très personnel que lui-même entretient avec le théâtre de Pasolini, s’approprie complètement le personnage omniprésent du père et, sous les notes de guitare rock d’Olivier Mellano, en fait ressortir la violence fiévreuse en scandant la prose comme un psychologue analyse une névrose ou un boucher découpe sa viande. Stanislas Nordey metteur en scène propose une approche presque classique, qui pourrait sembler contrevenir aux indications du dramaturge italien si elle n’était pas au service d’une solennité d’une pièce aux allures de tragédie antique. Pasolini s’inscrit dans l’ombre de Sophocle (jouée avec beaucoup d’ironie par Raoul Fernandez) comme le fils dans l’ombre du père, et inverse le complexe d’Œdipe. La force sauvage de ce théâtre fait exploser les idées bienpensantes des débats politiques sur la question du genre et interroge la transmission de l’identité spécifiquement masculine. Un spectacle tour à tour sensible et intelligent, mais toujours dérangeant.
Frédéric Manzini
Affabulazione
De Pier Paolo Pasolini
(Nouvelle) traduction de l’italien : Jean-Paul Manganaro
Mise en scène : Stanislas Nordey assisté d’Anthony Thibault
Collaboratrice artistique : Claire Ingrid Cottanceau
Scénographie : Emmanuel Clolus
Lumière : Philippe Berthomé
Musique : Olivier Mellano
Son : Michel Zürcher
Régie générale : Antoine Guilloux
Costumes : Raoul Fernandez
Construction du décor : Ateliers Théâtre de Vidy
Avec : Marie Cariès (mère), Raoul Fernandez (ombre de Sophocle), Thomas Gonzalez (fils), Olivier Mellano (guitare rock), Anaïs Muller (jeune fille), Stanislas Nordey (père), Véronique Nordey (nécromancienne), Thierry Paret (prêtre, commissaire, médecin, mendiant)
Mis en ligne le 15 mai 2015