ABEILLES

Théâtre de Belleville
94 rue du Fg du temple
75011 Paris           
01 48 06 72 34

Jusqu’au mardi 27 novembre 2018.
Le lundi et mardi à 21h15.
Le dimanche à 20h30.

Abeilles loupe 

Gilles Granouillet est un auteur qui compte : avec "combats" ou "Ma mère qui chantait sur un phare", notamment, il sonde avec acuité les déséquilibres sociaux, les conflits intimes, familiaux. Ici, les "abeilles " du titre sont de vraies abeilles (mais pas que), celles qui sont installées au bord d’une falaise. « Elles sont revenues, pour gagner ! » dit le père qui les connaît. Le père, la cinquantaine, vient de là-bas, sans que ce "là-bas" ait besoin d’être précisé. Le conflit avec le fils éclate à propos de rien, un portable que celui-ci veut offrir à sa sœur. Début de bagarre : le père rentre, choqué, et le fils disparaît. À partir de cet incident mineur, les relations familiales vont être transformées, perturbées. Le père croira reprendre la main en cassant le portable.

Homme intègre, fier de ses principes dont il ne dévie pas, il est sans travail : il donc perdu sa place tout à la fois sociale et familiale. La fille est une jeune fille de son époque, un peu en révolte, mais encore dans le giron familial. La mère se dévoue, comme toutes les mères : elle assiste, impuisssante à ces conflits. Elle voudrait bien retrouver le temps d’avant, cette paix enfuie.

Gilles Granouillet a l’art de faire exister ses personnages, de mener à bien à partir de peu, une autopsie des rapports amoureux (des parents) ou filiaux. Il n’élude rien, prend à bras le corps une situation pour lui faire rendre tout son suc, tout son sens. Ces personnages bruts, "taiseux", qui ne bavardent pas mais se dient des choses définitives, sont attachants. On croit en eux, on retient son souffle de peur de briser la magie, celle de ces pauvres vies qui palpitent.

Quelques voix off, un fantôme, celui du fils, qui apparaitra à la soeur et au père, mais pas à la mère "qui n’y croit pas", parachèvent le tableau.

De la belle ouvrage, mise en scène avec efficacité par Magali Léris. Dans le rôle du père, Eric Petitjean est bluffant : masse granitique, qui dévoile aussi des failles, celles des années de travail et de des remises en cause des rôles auxquels il croyait : la scène où, seul, il dispose des assiettes sur la table, "comme avant", serre la gorge.

Nanou Garcia est une épouse qui suit le mouvement. Elle est décidée et émouvante, au diapason de l’insouciance de la fille (Carole Maurice). Paul-Frédéric Manolis est sensible et juste en jeune homme qui s’affirme, en fils qui devient, à un moment, "plus grand que son père".

Un spectacle, donc, qui mérite amplement le détour.

Gérard Noël

 

Abeilles

de Gilles Granouillet. Mise en scène : Magali Léris.

Avec : Nanou Garcia, Eric petitjean, Paul-Fréféric Manolis, Carole Maurice.

Création lumières et régie générale : Anne-Marie Guerrerro.
Création son : Bernard Vallery
Décors : Magali Léris assistée de Anne-Marie Guerrerro

 

Mis en ligne le 7 novembre 2018