À TORT ET À RAISON
Théâtre Petit Hébertot
78 bis Boulevard des Batignolles.
75017 Paris
01 42 93 13 04
à partir du 18 septembre 2016
le dimanche à 17h00 et le lundi à 21h00
« L’art peut-il serrer la main à la barbarie » ? Véritable sujet philosophique, la pièce de Ronald Harwood, scénariste du film « le Pianiste » de Roman Polanski, ne s’embarrasse pas de fioritures et offre pendant 1h40 une remarquable réflexion à travers l’instruction de dénazification du chef d’orchestre Furtwängler après la guerre. Mené par un commandant américain aux arguments concrets et implacables, totalement imperméable à la sensibilité musicale de ses deux jeunes collaborateurs admirateurs du « Maître », le duel est sans merci.
Convaincu de la culpabilité du célèbre chef d’orchestre, qui a continué à diriger la Philharmonie de Berlin durant le régime hitlérien, le commandant Steve Arnold, joué par un Francis Lombrail plus vrai que nature, ne fléchit jamais face aux arguments artistiques et spirituels de Furtwängler, incarné par un Michel Bouquet au sommet de son art.
Servis par une mise en scène et un décor sobre, la qualité du texte et du jeu des acteurs sont les éléments majeurs de cet affrontement croisé entre les deux protagonistes principaux mais aussi entre le commandant américain et son entourage mélomane qui tente de le ramener à la raison. Seul contre tous, le militaire, qui a été confronté aux horreurs de la déportation, n’a cure de son inculture artistique. Au contraire, il la brandit comme gage de sa clairvoyance, l’admiration suscitée par Furtwängler ne venant pas altérer sa détermination à le juger coupable.
Fort de son art, le musicien se défend d’ailleurs à peine au début de la pièce. Son art est, pour lui, tellement au-dessus de « Tout », et donc de la Politique, qu’il ne prend pas la mesure du procès qu’on lui inflige. Ce n’est que sous l’humiliation et l’acharnement déployé par l’américain, que le « Maître » monte progressivement en puissance pour finir par formuler l’informulable, la définition de l’Art.
Art, courage, spiritualité, autant de grands mots qui pèsent quoi en pareille situation ? A t-on raison ou tort d’accuser Furtwängler de compromission avec le régime nazi quand il les invoque ? Autant de questions posées très intelligemment au public laissé juge de se faire sa propre opinion.
Mention spéciale à Damien Zanoly, qui joue le jeune lieutenant américain juif et cultivé, pour sa palette de jeu vibrante et sensible.
« Parlez-moi de moi y’a que ça qui m’intéresse, parlez-moi de moi y’a que ça qui m’donne de l’émoi », chantait Jeanne Moreau. « Parlez-moi d’Art, y’a que ça qui m’intéresse, parlez-moi d’Art, y’a que ça qui me donne de l’émoi » pourrait répondre l’artiste Furtwängler, héros de cette pièce magistrale qui séduira les amateurs d’Art et d’Humanisme. À réserver sans attendre !
Patricia Lacan-Martin
À tort et à raison
De Ronald Harwood
Traduction française de Dominique Hollier
Mise en scène de Georges Werler
Avec Michel Bouquet, Francis Lombrail, Juliette Carré, Didier Brice, Margaux Van Den Plas, Damien Zanoly
Scénographie : Agostino Pace
Costumes : Pascale Bordet
Lumières : Jacques Puisais
Conception sonore : Jean-Pierre Prevost
Mis en ligne le 28 décembre 2015
actualisé le 28 août 2016