Un large drapeau américain sert de rideau de scène.

Puis une voix retentit, elle énonce les lois prises par les États-Unis pour se protéger du terrorisme.

Le rideau tombe. Une jeune femme, attachée, cagoulée, est assise sur une chaise.

Et nous voilà embarqués pour une heure trente d'une histoire formidablement écrite, mise en scène et interprétée, une histoire qui va nous scotcher à nos fauteuils, nous bouleverser, nous terrifier, nous accabler, nous sidérer. Une véritable claque, un coup de poing qui fait voler en éclats nos petites vies bien rangées.

C'est un huis-clos oppressant à la fois d'une grande sobriété et d'une force inouïe, troublant et dérangeant qui nous emmène dans les cellules secrètes de la CIA.

D'un côté l'Amérique, de l'autre la Chine.

D'un côté, la toute puissance de ceux qui mènent l'interrogatoire, une femme américaine, un homme chinois.

De l'autre celui ou celle qu'on va malmener, humilier moralement et physiquement jusqu'à le faire avouer. Avouer quoi ? Ils ne le savent même pas, ni les interrogateurs, ni les interrogés.

Juste au cas où... Pour se protéger de l'ennemi invisible, insaisissable, celui qui a déjà une fois fait vaciller le colosse. Et des deux côtés la peur, noire et gluante, qui s'insinue partout et fait perdre la raison.

Des deux côtés quasiment les mêmes dialogues mais interprétés différemment. Terrible et efficace jeu de miroir.

Quel est le plus terrifiant ? La brutalité, les hurlements de la femme américaine ou l'implacable politesse de l'homme chinois ?

Deux méthodes différentes avec le même résultat, mettre à nu au propre comme au figuré les deux supposés coupables.

Mais quelle valeur ont des aveux obtenus dans ces conditions ? Qui pourrait résister ? Combien de temps ?

Amérique Chine. Sans doute aussi ici en France. Et ailleurs. Partout la même crainte depuis le 11 septembre. Jusqu'où peut-on, doit-on aller pour protéger son pays ?

Voilà un spectacle fort, intense, courageux, citoyen en un mot.

Qui dénonce et questionne. À voir de toute urgence pour arrêter de fermer les yeux.

Nicole Bourbon

 

À nu

d'après un film de Sidney Lumet, écrit par Tom Fontana
Adaptation et mise en scène : Marc Saez assisté de Véronique Picciotto

Avec : Véronique Picciotto, Helmi Dridi, Anatole Thibault, Pascale Denizane

Lumières : Christian Mazubert
Décor : Vincent Blot
Construction décor : Gad Cohen, Patrice Fauquemberg
Design sonore : JB Saint-Pol

Coréalisation : Vingtième Théâtre et Les Séraphins