À LA NUIT OÙ J'AI TREMBLÉ

Festival « LILAS EN SCÈNE »

les 29, 30 novembre et 2 décembre 2013.         
Prochaines représentations au Théâtre de la Cité Internationale, les 3 et 4 mars 2014 dans le cadre du festival JT14.

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Mis en ligne le 4 décembre 2013

À la nuit où j'ai tremblé

Il s'agit là, et ce n'est pas si fréquent, d'une aventure collective : celle d'une troupe de jeunes comédiens en résidence, sous la houlette de Nicolas Orlando, metteur en scène. Cela tournait, au départ sur les relations amoureuses et puis… et puis, force des classiques, quand un(e) auteur(e) s'en est mêlée, cela s'est tourné vers Phèdre et ses amours compliquées avec le jeune Hippolyte, fils que son mari a eu d'une première union.

Dans cet espace limité avec un public de part et d'autre, il y a comme un côté « fosse aux lions » même si l'ambiance petits fours et Champagne ne nous y prépare pas forcément. C'est la mère d'Hippolyte qui commence : très beau monologue, outré et fascinant, qui voue au pilori la famille en général et la sienne en particulier. Mais c'est l'anniversaire du « petit » lequel déclare refuser les filles « faciles » et tout ce qui voudrait le sortir de son idéal de pureté. Les jumeaux et l'autre, l'attardé sont aussi de la partie. Thésée arrive pour une scène tendue avec « ses » deux femmes. L'attirance d'Hippolyte pour sa « belle-mère », la réaction des autres, celle de Thésée, les scènes amoureuses entre fils et belle-mère… tout ceci ne surprend pas mais gagne une force nouvelle grâce au traitement : on sent qu'Artaud et son « Théâtre de la Cruauté » ne sont pas loin. Il y a eu tout un travail en amont sur des émotions basiques, désir, haine, désespoir… sur lesquelles l'auteure, ensuite a mis ses mots. Et quels mots ! Quand Phèdre déclare : « Ton tourment est MON tourment ! » Hippolyte lui répond : « Je crois pas ! ». Phèdre encore : « Je voudrais plonger dans mon entredeux, des branches, des racines… » ou encore, comme un écho à un célèbre réplique du Don Juan de Molière : « Je pleure, je pense ! ». Hippolyte a aussi cette phrase : « Tu es ridicule, mais si ça te plaît, je ferai avec ! »

Il y a dans la mise en scène, des constantes : les personnages féminins sont alternativement dévêtus et la couleur rouge, celle du sang, est comme un relais qui va successivement contaminer les uns et les autres. Le crime est contagieux. Et la honte. Repoussée, l'amoureuse d'Hippolyte se saoule et git ensuite, dérisoire, dans son imperméable en plastique transparent. Les jumeaux frappent. Hippolyte meurt et dit ensuite : « Je suis mort ». Image forte, là aussi, qui évoque la une d'un journal consacrée à un faits-divers.

Ce qui touche, en fin de compte, c'est ce mélange de mots et d'images, au service d'un vieux mythe… lui-même porteur de situations et d'émotions universelles.

Les comédiens, tous jeunes, ont bien travaillé. Le metteur en scène a été efficace et inspiré. Quant à l'auteure, au-delà de la noirceur de son propos (mais comment faire autrement ?) il faut lui reconnaître une patte qui pourrait évoquer un Sénèque mâtiné de Giraudoux, mais qui n'appartient qu'à elle. Un spectacle prenant, donc.

Gérard Noël

 

 

À la nuit où j'ai tremblé

Mise en scène : Nicolas Orlando.
Écriture : Magali Mougel.

 Avec : Mélanie Jaunay, Clémentine Allain, Katelle Daunis, Arthur Fourcade, Sylvain Loisse, Ophélie Marsaud, Nicolas Orlando, Issam Rachyd-Ahrad, Léo Reynaud, Damien Robert, Côme Thieulin.

Scénographie et lumières : Thibault Sinay
Son : Bertrand Perrot.
Costumes : Anaïs Pinson et Manon denarié.
Maquilleuse-coiffeuse : Gwendoline Quiniou.