Photo Jean Pierre Maurin
L'Opéra de Lyon a choisi la mise en scène épurée de Klaus Michaël Gruber disparu en 2008.
Créée en 1993 au Châtelet, à Paris, elle avait alors soulevé la polémique.
Seize ans plus tard, le public semble plus réceptif.
Il est vrai pourtant qu'elle est surprenante. Cette vision austère et dépouillée, bien loin des fastes habituels, crée une intimité dérangeante, dans une atmosphère sordide et oppressante.
Minimaliste, elle n'autorise aucun geste amoureux, pas une étreinte, paradoxale dans une œuvre où l'amour domine. De ce fait, elle met en évidence le caractère esseulé de cette femme, victime consentante d'une société puritaine, davantage que le côté courtisane frivole traditionnel.
Violetta est toujours isolée des autres, particulièrement dans la scène avec Giorgio Germont le père, où un rideau transparent les sépare telle la barrière infranchissable des classes sociales auxquelles ils appartiennent.
Le ton est donné dès le premier tableau.
Dans les versions plus « classiques », il est gai, coloré, animé.
Là, dans un éclairage de veillée funèbre, une assemblée d'hommes et de femmes uniformément vêtus de smokings noirs,( symbole d'un monde dominé par les hommes ?) se tiennent immobiles sur leurs sièges alignés. Pas de plaisir, mais l'impression saisissante d'une société qui s'ennuie à mourir sous les apparences de la fête. Côté cour, une femme nue immobile, signe que la chair est triste ou référence à l'Olympia de Manet, dont elle partage le regard fixant le public
et la main
cachant le sexe.
Les décors sont magnifiques, dépouillés, très picturalisés, branches d'arbres évoluant selon les scènes. Très en accord avec l'Opéra de Lyon, rénové en 1993 par Jean Nouvel, écrin sombre pour un spectacle noir.
Violetta est interprétée par Ermonela Jaho.
Soprano aux aigus éclatants (trop ?), son timbre strident laisse place à une voix susurrée bouleversante, magnifique dans les demi-teintes (« Ditte alla giovane »). L'ensemble manque du coup de sensualité, d'émotion, au profit de la virtuosité. C'est particulièrement sensible dans le final tronqué.
Reste la musique de Verdi, simple, efficace, une succession de grands airs qui remuent l'âme.
Nicole Bourbon
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