TRANSPARENCE, COMÉDIE ONUSIENNE |
Vingtième Théâtre Jusqu'au 7 octobre 2012, du mercredi au samedi à 21 h 30 et les dimanches à 17 h 30 Voilà un spectacle original, iconoclaste, dérangeant. Sans doute un de ceux dont on va parler en cette rentrée théâtrale qui s'annonce prometteuse. D'abord par son sujet, peu voire pas traité au théâtre : l'humanitaire face aux rouages de l'administration et au regard des médias. Par son traitement ensuite. Qui, comme le thème ne l'induit pas forcément, va utiliser musique, chant, danse voire claquettes et surtout burlesque. Par sa mise en scène enfin, dure, exigeante vis-à-vis des interprètes qu'elle ne ménage pas, inventive et d'une précision extrême. L'auteur du roman dont est tirée la pièce, Roberton Garcia Saez a été lui-même un Patrick Romero. C'est dire s'il sait de quoi il parle. C'est féroce, sans concession, corrosif. Benoit Guibert, adaptateur et metteur en scène, le souligne encore plus en choisissant d'en faire une sorte de fable cruelle, délirante et infiniment jouissive. Pour nous, profanes, le terme ONU n'évoque pas grand-chose, si ce n'est la vision des Casques bleus. On ne sait rien des gens de terrain et encore moins des cols blancs qui décident de tout dans leurs bureaux climatisés loin des réalités. Alors quand un homme fait feu de tout bois pour être le plus efficace possible, qu'il bouleverse les codes établis pour aller au plus vite, et pour peu que des rumeurs de prise d'intérêt illégale s'en mêlent, c'est panique à bord et tout est arrêté, tant pis pour les malheureux qui attendent les subventions permettant entre autres l'acheminement de médicaments. Ils mourront mais l'honneur sera sauf. Le héros Patrick Romero, revit son histoire dans les vapeurs de l'alcool. Son tort ? Avoir accompli sa mission humanitaire comme un chef d'entreprise, voulant ignorer les lourdeurs administratives. Aller au plus près, au plus vite. Mais est-il sincère ou en profite-t-il au passage pour lui-même ? C'est le soupçon que conçoit Harrison, un inspecteur de la brigade des fraudes financières qui va traquer notre homme au long d'interrogatoires éprouvants. On découvre notre héros dans un bar de Bangkok, l'Australian bar. Roméro retrouve dans sa mémoire embrumée les différents personnages qui l'ont accompagné. Sous l'emprise de l'alcool, le bar devient cabaret, – très beau décor ingénieux de Bruno Vitti- les scènes réelles basculent soudain dans le burlesque au prix de gags inattendus, de détournements d'objets, de dédoublements- formidable numéro de Julie Lavergne spontanément applaudi – de pas de danses incongrus, comme dans un cauchemar, quand notre inconscient travestit la réalité pour mieux l'affronter. C'est formidablement réalisé et interprété avec une énergie et une justesse incroyables, terminant sur une très belle image finale. La messe est dite. Les acteurs reviennent saluer. Ils semblent épuisés et heureux. Nous aussi.
Nicole Bourbon
Transparence, comédie onusienne de Benoît Guibert Avec : Kader Boukhanef, Olivier Dote-Doevi, Jérôme Dupleix, Verena Gros, Hugo Horsin en alternance avec Bastian Verdina, Julie Lavergne en alternance avec Mélissa Broutin Création musicale : Hugo Horsin
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