SAVEURS ET AMERTUMES |
Vingtième Théâtre Autant le dire d’emblée, ce spectacle peut ne pas plaire à tout le monde tellement il est atypique, tenant plus de l’expérience que du théâtre proprement dit. Deux évènements s’y côtoient : le risque de prise de pouvoir d’un grand restaurant par un fonds d’investissement étranger et la préparation du trophée Marmiton. Le premier voit sa conclusion – heureuse – dans une solution tellement simpliste qu’elle aurait pu avoir lieu dès le début, autant n’en pas parler. La seconde ravira un public appréciant un univers musical inattendu et épris de bonne cuisine, celui qui rêve d’aller découvrir les cuisines d’un grand chef. Car l’intérêt est là, dans cette belle idée de juxtaposer ces deux univers, la table et la musique, qui ont d’ailleurs bien des points en commun : on y emploie des termes semblables – piano, mandoline, batterie, timbale –, on connaît en cuisine la même effervescence et le même trac qu’en coulisses. Le décor est superbe, recréant parfaitement une cuisine professionnelle, avec des blocs mobiles pour les différents points de travail avec tous les instruments possibles, batteries de cuisine, pots, saladiers, couverts, couteaux. Les comédiens reproduisent à merveille les gestes du métier, qu’ils fouettent, coupent, cisèlent ou dressent des assiettes. On parle peu en cuisine, avec le leitmotiv « Chef » repris en chœur par la jeune brigade aux ordres. Seules les deux tirades, celles de la directrice et du grand patron, évoquant chacun leurs souvenirs et ce qui les a conduits sur ce chemin-là, vont donner un côté vraiment théâtral à l’ensemble, soulignées chacune par de très belles mélodies au vibraphone. Mais le plus spectaculaire est sans conteste le travail remarquable de percussions réalisé avec les instruments culinaires, les batteries de cuisine devenant subitement batterie d’orchestre dans un rythme soutenu, extraordinaire duo de spatules, casseroles et couvercles claquant de belle manière, couverts tapant un saladier, frottement des économes, comme autant de charlestons, claves, cymbales, maracas et autres timbales en folie. Le moment du concours arrive, c’est le moment crucial du « coup de feu », et comme une symphonie qui va crescendo, le rythme s’accélère ponctué des annonces des commandes et des envois en salle pendant que la brigade exécute un véritable ballet, réalisant des plats splendides aux noms évocateurs. De quoi sortir de la salle les papilles en émoi, prêt à se précipiter dans un bon restaurant !
Nicole Bourbon
Saveurs et amertumes Auteure et Metteure en scène : Christina Fabiani Avec : Musique : Vassiléna Sérafimova et Benoît Maurin
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