NUIT D'ÉTÉ |
La Manufacture des Abbesses
Il s'agit ici d'une comédie avec des chansons et l'auteur, David Graig, s'est adjoint le concours de Gordon McIntyre pour les musiques. Tout commence dans un pub, par la rencontre improbable entre Bob le looser et Helena, une avocate un peu paumée. C'est une grande fille tonique aux cheveux bruns, tandis que Bob cultiverait plutôt, lui le côté Droopy, un genre de Bruce Willis sous Lexomil. Dans ce récit à deux voix qui s'amorce, on est séduit à la fois par le jeu et la distance créée. Tout le monde ne réussit pas ça, Greig, si. A nous donc, les détails de la vie de l'une et de l'autre, les commentaires de Bob sur Helena et réciproquement, Après une séance de nuit chez elle, plutôt torride, tout pourrait bien continuer. Bien sûr, ce n'est pas le cas ; Elle le lourde gentiment. Et, dans la rue, se place la touchante apostrophe de Bob à une partie intime de son individu : « On a 70 ans à nous deux, vieux. Tu veux de la stabilité, je comprends ça ! » Au matin, Helena chante : « Si ma gueule de bois était un pays, ce serait la Belgique, si c'était une ville, ce serait Béthune » On voit le style. Plus tard, ils se retrouveront devant une cathédrale, se reperdront. Bob sera mouillé dans une histoire de vol de voiture volée dont il gardera l'argent. Nouvelles interrogations de Bob et élaboration douloureuse du concept de « Bobitude». Ils partiront dépenser ensemble les millions dans une longue nuit d'été (nous sommes au solstice) pleine de rebondissements et de personnages truculents. Le charme, évident de cette pièce, c'est d'abord l'extrême liberté de l'auteur, son art de relancer l'intérêt, de faire se balader ses personnages dans des coins glauques (un peu les mêmes que chez Mike Leigh, mais en plus joyeux) On attend la prochaine péripétie avec gourmandise, on pressent ce qui va arriver, mais on est quand même surpris. On mesure, surtout, à quel point le jeu des comédiens est prenant : enlevé et acide chez elle, lunaire et un peu pataud chez lui, qui développe, au hasard des morceaux chantés, un allant et une aisance peu ordinaires ; Et puis on s'avise que Renaud Castel (Bob) et Patricia Thibault (Helena) chantent par ailleurs l'un et l'autre, dans un groupe musical. Du coup, on comprend mieux. Bon choix, donc, du metteur en scène Nicolas Morvan et efficace direction d'acteur. Ceci, dans ce décor simple ou chaque lieu est évoqué sommairement mais efficacement. Une mention spéciale à la courtepointe rose, qui devient, une voiture de même couleur, à fourguer. Si les trentenaires aimeront s'y retrouver, c'est une pièce pour tous les âges, et chacun pourra reprendre en choeur avec Helena une des dernières chansons de la pièce : « On rêve d'être à nouveau jeune. » Il est des spectacles, oublions la formule anglaise, qui rendent heureux. Celui-ci en fait partie.
Gérard Noël
Nuit d'été Une pièce de Davif Graig et Gordon McIntyre Avec Patricia Thibault et Renaud Castel.
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