ENJAMBE CHARLES

Théâtre du Rond-Point
2 bis, avenue Franklin D. Roosevelt
75008 Paris
01 44 95 98 21

Jusqu'au 29 septembre
Du mardi au samedi à 20h30
Dimanche à 15h30

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Mis en ligne le 15 septembre 2013

Enjambe Charles

Que cache ce titre énigmatique ?

La conceptrice Sophie Perez et la comédienne Sophie Lenoir ont en commun le même prénom. Sophie. Sophia, la sagesse.

Or rien n’est moins sage que ce spectacle-là !

« On part du principe que le dispositif scénique soit intéressant à regarder sans qu’il n’y ait personne dedans. » déclarent les créateurs et metteurs en scène, Sophie Perez, Xavier Boussiron qui ont déjà commis ensemble « Beaubourg-la-Reine, Jambon Birds, Oncle Gourdin ».

Effectivement.

On entre dans la petite salle Roland Topor. Sur scène, des blocs dorés de toutes tailles, en quantité, posés au sol ou accrochés en l’air, comme les stalagmites et stalactites d’une fantasmagorique grotte. Au milieu, deux claviers, à jardin un tour de potier surmonté d’un écran qui permet de mieux le voir. Au fond sur une estrade, une sorte d’énorme amas de tissu.

Et puis la musique retentit, violente. Sophie Lenoir entre en scène, gros seins proéminents, ventre important de femme enceinte, jupe courte, talons plats. Elle danse et rit.

Stéphane Roger entre à son tour et s’assoit au tour de potier.

Et nous voilà aspirés dans leur spirale infernale, c’est fort, c’est drôle, c’est fortement drôle et drôlement fort, c’est souvent complètement « barré », terriblement corrosif, il y a des costumes incroyables, des masques à faire peur, une marionnette Aznavour, des perruques, des faux seins, des faux sexes, des tableaux, des photographies, et j’en oublie sûrement tellement ce joyeux fatras est dense et varié.

Et tout s’enchaîne et s’entrecroise, au service de l’Art, celui qui nous transporte, ou à sa dénonciation dans ce qu’il a de plus factice.

Ils ont tous les trois gardé leurs prénoms. Ce sont des comédiens et parfois ils créent des personnages sous nos yeux.

C’est Stéphane, en peintre dijonnais – le détail a son importance, – qui commente son tableau changeant de signification selon le sens où on le regarde.

C’est un impayable discours d’inauguration qui se conclut par un chant arménien, medley des chansons d’Aznavour que Stéphane imite avec ses tics et ses expressions. Hilarant au possible.

C’est Françoise Klein en commentatrice perdant peu à peu tout contrôle.

C’est un modèle. Complètement soumis aux souhaits de l’Artiste qui va le peindre, lui faisant prendre des poses inconfortables ou grotesques. Mais c’est l’Artiste. Qui sait. Qui seul décide. Refuse ce qu’on lui propose si ça ne vient pas de lui. Un jouet. Le modèle et le peintre. Qui pourraient être aussi des comédiens aux mains de leur metteur en scène. Je ne peux m’empêcher de penser au film récemment primé à Cannes « La vie d’Adèle » et à la polémique entre Léa Seydoux et Abdellatif Kechiche.

Et puis aussi des moments superbes, poétiques, quand les lumières font étinceler les blocs dorés nimbés de fumée sur une musique lancinante. À donner le frisson… Perfection de l’Art aussi quand tous les talents se confondent…

Noir. Les comédiens reviennent saluer. Ils sont heureux et épuisés. Nous aussi.

C’est un spectacle à ne pas mettre sous tous les yeux. J’ai vu dans la salle quelques mines perplexes, voire courroucées.

Ceux qui aiment un spectacle narratif, où tout coule de source, n’apprécieront certainement pas.

Pour les autres, c’est un régal. À savourer sans modération.

Nicole Bourbon

 

 

Enjambe Charles

Conception, mise en scène Sophie Perez, Xavier Boussiron
Texte Sophie Perez, Xavier Boussiron, Jean-Yves Jouannais

Avec
Françoise Klein
Sophie Lenoir
Stéphane Roger

Costumes Sophie Perez et Corine Petitpierre
Musique Xavier Boussiron
Régie générale et images Laurent Friquet
Régie plateau Anne Wagner dit Reinhardt
Lumière Fabrice Combier
Son Félix Perdreau

 

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