24 HEURES DE LA VIE D’UNE FEMME
Théâtre La Bruyère
5 rue La Bruyère
75009 - Paris
01.48.74.76.99
Jusqu’au au 1er août 2015
Du mardi au vendredi à 20h30, les samedis à 17h00 et 20h30
Quand on connaît la passion viscérale de Stefan Zweig pour la musique – dont sa collaboration fructueuse avec Richard Strauss offre un témoignage éloquent – on trouvera que réaliser une adaptation musicale de sa nouvelle Vingt-quatre heures de la vie d’une femme est particulièrement pertinent, en plus d’être original et innovant.
Pour ce pari audacieux, le metteur en scène, Franck Berthier, s’est entouré de collaborateurs d’exception : Christine Khandjian et Stéphane Ly-Cuong pour l’adaptation théâtrale et les chansons ; Gérard Bourgey pour la scénographie ; Mireille Dutrievoz pour l’éclairage ; Elvire Le Garec pour les costumes ; Sergeï Dreznin pour la musique.
Sans oublier les musiciens, Yann Ollivo au piano, Isabelle Sajot au violoncelle et, au violon, Naaman Sluchin, que j’avais eu le bonheur de découvrir dans Haïm, à la lumière d’un violon.
Et, bien sûr, les comédiens, Isabelle Georges, Frederik Steenbrink et Olivier Ruidavet, tous trois dotés d’un talent à multiples facettes puisqu’ils savent jouer la comédie, chanter, danser, et même plus !
Tous ont mis leurs compétences au service de ce texte magnifique qui, non seulement « dissèque le sentiment humain de manière remarquable », pour reprendre les paroles d’Isabelle Georges, mais témoigne également de l’ouverture d’esprit et de la générosité de Stefan Sweig, lui qui observait les humains et leurs comportements avec bienveillance, cherchant à les comprendre sans les juger et les condamner.
Tenter de comprendre comment une épouse « respectable » peut, du jour au lendemain, s’enfuir avec un quasi inconnu.
Comprendre la folle passion pour un joueur de casino qui enflamme une veuve raisonnable et lui font vivre vingt-quatre heures d’exaltation incontrôlée qui changeront à jamais son existence.
Isabelle Georges donne chair à cette amoureuse d’un jour avec son corps, ses cheveux flamboyants, sa voix chaude et grave.
Face à elle, Frederik Steenbrink est ce joueur perdu, tour à tour touchant, avec son accent étranger ou lorsqu’il prie en polonais, puis violent, lorsque le démon du jeu s’empare de lui et l’aveugle.
Olivier Ruidavet, quant à lui, avec sa petite moustache, son foulard, sa redingote et sa canne, hante le plateau de sa présence omniprésente.
Une présence tantôt bienveillante lorsqu’il incarne le narrateur qui reçoit la confidence de l’héroïne, tantôt menaçante lorsque, croupier, il annonce « Faites vos jeux » et « Rien ne va plus », tantôt narquoise lorsque, portier d’hôtel, il accueille au matin la cliente qui rentre après une nuit passée dehors…
Sa silhouette passe, disparaît, reparaît, figure du destin qui conduit l’héroïne vers un dénouement inexorable.
Quant à la scénographie, elle est remarquable.
Décor « constitué de murs en plexiglas, jouant sur les transparences et la lumière ».
Éclairage subtil qui souligne les variations émotionnelles des deux personnages.
Accompagnement musical censé donner plus de lyrisme à la passion dévastatrice qu’éprouve l’héroïne.
Costumes particulièrement réussis.
Les deux robes de l’héroïne, la noire qui indique son veuvage, la rouge dont elle se pare lorsque la passion s’empare d’elle, sont éblouissantes.
Le tout contribue à créer le climat et l’atmosphère qui plongent le spectateur au cœur même de cet amour fulgurant et insensé.
Ainsi, grande est la valeur métaphorique de la scénographie, mais plus grande encore sa valeur visuelle.
Par moments, quand les comédiens se figent, on a sous les yeux un tableau où le rouge et le noir se détachent sur le mur du fond, et c’est magnifique.
Un mot de la musique. Création originale, elle a été composée spécialement pour cette pièce par Sergeï Dreznin, ce qui mérite d’être souligné.
Pourtant, malgré mon adhésion de départ à l’idée d’adaptation musicale, et malgré la belle voix des comédiens – d’Isabelle Georges en particulier – et la virtuosité des musiciens, la partie musicale ne m’a que moyennement séduite. Il s’agit, bien entendu, d’un avis personnel qui n’engage que moi. Peut-être parce que, le jour de la générale, la musique couvrait par instants la voix des comédiens, mais nul doute que ce défaut aura été rectifié dès la première représentation.
En conclusion, un spectacle de qualité qui trouve dans la salle rouge du théâtre La Bruyère un écrin qui lui sied à merveille.
Élishéva Zonabend
24 heures de la vie d’une femme
D’après Stefan Sweig
Texte : Stefan Sweig
Adaptation théâtrale & Auteurs des chansons : Christine Khandjian et Stéphane Ly-Cuong
Mise en scène : Franck Berthier
Assistante à la mise en scène : Marie-Caroline Le Garec
Scénographie : Gérard Bourgey
Création lumières : Mireille Dutrievoz
Univers sonore & Régie générale : Eric Dutrievoz
Costumes : Elvire Le Garec
Composition : Sergeï Dreznin
Avec : Isabelle Georges, Frederik Steenbrink et Olivier Ruidavet
Accompagnés par : Yann Ollivo (arrangements, direction musicale et piano), Naaman
Sluchin (violon) et Isabelle Sajot (violoncelle)
Mis en ligne le 2 juillet 2015