Vincent ROCA - Vite, rien ne presse ! |
Théâtre Hébertot Vincent Roca est auteur, comédien, chroniqueur mais aussi et surtout un amoureux des mots. En habile magicien qui transforme le rire en émotion et vice versa, en jongleur émérite de calembours subtils, en fabuleux contorsionniste de citations, en illusionniste inspiré qui peut nous faire prendre un cerf accroché à un piton pour un serpent python, il joue avec les mots, les expressions, les triturant à l'extrême, opérant des rapprochements inattendus, travaillant les double sens, les sonorités, les analogies avec une précision d'orfèvre et une rigueur que ne renierait pas l'ancien professeur de mathématiques qu'il fut. Son personnage, qui voudrait bien arrêter le temps belle symbolique de la mise en scène de Gilles Galliot avec les gouttes d'eau qui tombent nous promène au long d'une vie, entre « le début et le défunt, depuis le premier sourire jusqu'au dernier soupir » nous parlant au passage avec une ironie malicieuse, un humour audacieux, une tendre violence, de l'amour, avec entre autres son célèbre sketch où l'inversion des mots coeur et cul donne des interprétations inattendues de citations connues des religions, de notre époque et de ses travers la célébration du jour de l'an racontée avec une acuité redoutable. Les thèmes se succèdent, les mots se bousculent à un rythme infernal ne laissant pas le temps au spectateur de souffler, entrecoupés de prières païennes, « notre kiné qui êtes osseux » ou d'un long et bouleversant monologue sur les émigrés clandestins, accompagné d'un jeu de lumières parfaitement adéquate, magnifiquement écrit avec de superbes allitérations « une peur dans chaque port, une mort dans chaque mer » et un sens affiné de la formule choc « Tu voyages en espoir, un espoir qu'on arraisonne » . Ce maniement échevelé de la langue française qu'il utilise à merveille nous offre des moments d'anthologie où il décline avec une habileté diabolique et joyeusement potache le subjonctif « Eussiez-vous imaginé un jour que les marguerites durassent, que les gourmets nous éduquassent, que les vautours dérapassent » ou le passé-simple « Quand vous marquâtes, vous bûtes ? Ce steak vous vous l'offrîtes ? Les échecs vous les aimâtes ? » Au final, voici un spectacle sur le temps qui passe où on ne voit pas le temps passer tant Vincent Roca nous promène avec maestria, fougue, énergie et énormément de poésie dans un voyage exceptionnel au pays des mots, qui réjouit tous ceux qui comme lui sont des amoureux de la langue française. Ce n'est pas par hasard qu'en mars 2011, Vincent Roca a reçu des mains du ministre de la Culture le prix Raymond Devos, destiné à « récompenser un artiste dont l'oeuvre ou l'action contribue au progrès de la langue française, à son rayonnement et à sa promotion ».
Nicole Bourbon
Vite, rien ne presse Auteur: Vincent Roca
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