VALENTINA-TCHERNOBYL Née pour l’amour

La manufacture des Abbesses
7 rue Veron
Paris 18°
01 42 33 42 03

Jusqu’au 14 mai, du mercredi au samedi à 19h00
supplémentaire le mardi 26 avril 2016

 

Valentina-Tchernobyl loupe 

Valentina a une trentaine d’années le 26 avril 1986.

Elle vit avec l’homme qu’elle aime, l’homme qu’elle aime  de toute son âme, de tous ses sens. L’homme qu’elle a épousé et avec qui elle a déjà deux enfants. Deux enfants nés de l’amour le plus total. Et c’est normal. Elle le dit elle-même. Elle est née pour l’amour. Et dans cette U.R.S.S. agonisante, c’est toujours une attitude contre-révolutionnaire que de rêver d’amour quand on est une jeune soviétique, mais tant pis : sa foi dans le travail et dans le komsomol passe après le désir de passion qu’elle sent vibrer en elle, prêt à dévorer tout, illuminer tout. Et la chance lui sourit. Elle rencontre celui qu’elle va épouser : il est grand, beau, fort et prêt à accueillir le don qu’elle a préparé pour lui depuis sa plus tendre enfance.

En cette année 1986, Valentina est heureuse car elle vit ce qu’elle voulait vivre avec l’homme qu’elle voulait. Il est monteur. Il travaille dans toute l’Union Soviétique. S’absente souvent, longtemps, mais revient toujours, et avec lui revient aussi toute la passion. Ils sont comme des amoureux à l’émerveillement sans cesse renouvelé. Et en ce jour de 1986, il s’absente encore une fois. Il repart encore.  Cette fois, c’est pour Tchernobyl qui a explosé cinq mois plus tôt. Il va colmater les brèches. Et il revient, comme il revient toujours. Et il ne repartira plus.

Le reste nous est raconté dans Valentina-Tchernobyl. Coralie Emilion, seule en scène, vêtue d’une petite robe rouge, incarne le personnage titre. Dès les premières minutes, la comédienne irradie l’amour que le personnage qu’elle joue devait irradier, il y a trente ans, pour lutter, un an et plus, contre la destruction inéluctable de son homme, son amour, sous ses yeux, sous ses caresses, sous ses baisers.

Valentina est l’un des personnages interviewé par Svetlana Alexievitch dans son livre "La Supplication - Tchernobyl, chronique du monde après l'apocalypse" publié en 1997, dix ans après l’explosion de la centrale atomique. Comme elle en a l’habitude, celle qui vient d’être récompensé du Prix Nobel de Littérature a construit cet ouvrage en assemblant des interviews qu’elle a collectées sur place en Ukraine, auprès des victimes et des rescapés de la catastrophe.

Sur scène, Coralie Emilion insuffle à ce personnage une douceur et une lucidité qui transforme ce monologue en une sorte d’épopée mystique et étonnante. Sur un plateau dépouillé, dans une lumière chaleureuse, le personnage de Valentina surgit comme une apparition. On croirait une toile en clair-obscur qui rappelle celles de De La Tour ou du Caravage… Un personnage qui vient comme un fantôme témoigner doucement, tantôt murmure, tantôt rire, tantôt ahurissement. Car le génie de ce spectacle est d’avoir su contrebalancer les visions effroyables des conséquences des radiations nucléaires sur un être humain par une dévotion amoureuse sans limite. Et l’on ressort à la fois terrorisé par ce dont est capable la folie humaine, et émerveillé par l’amour dont est capable la folie humaine. Un beau et grand frisson.

Bruno Fougniès

 

Valentina-Tchernobyl Née pour l’amour

Librement adapté de La Supplication de Svetlana Alexievitch
Sur une idée de Coralie Emilion-Languille
Mise en scène de Laure Roussel

Avec Coralie Emilion-Languille

 

Mis en ligne le 11 avril 2016