SANDRE

Maison des Métallos
94 Rue Jean-Pierre Timbaud
75011 Paris
01 47 00 25 20

Jusqu’au 8 avril
mardi, mercredi et vendredi 20h, jeudi et samedi 19h, dimanche 16h

 

Sandre loupe Photo : Marie-Elise Ho-Van-Ba

Il y a des spectacles qui vous happent dès les premières minutes et ne vous lâchent pas jusqu’à la fin. L’œil rond, la bouche qui tend à s’ouvrir, on tombe dans une sorte de fascination hypnotique, tous nos sens fauchés, comme par une main qui rafle tous les osselets d’un coup.

Pourtant rien de spectaculaire sur scène, dirait-on, qui explique ce phénomène. Un personnage tout simple, totalement ordinaire, avec une vie parfaitement calibrée, des rêves de madame tout le monde. C’est quelqu’une sans révolte. À croire qu’elle ne connaît ni la colère ni la rage. Depuis toujours. Une bonne personne en fait, qui a totalement embrassé les promesses de bonheur humble que la société propose : un peu de désir, un peu d’amour, un mariage, une maison, des enfants, un travail sans souffrance. Bref, une vie tracée sur catalogue, belle route sans accident.

Mais elle est là, sur le plateau, dans un fauteuil à oreille, comme une reine de routine et elle raconte. Elle dit, plus qu’elle ne raconte. Elle dit tout ce qu’elle a été, tout ce qu’elle a cru, tout ce en quoi on l’a trahie. Ce n’est pas une héroïne, elle n’est pas taillée pour ça, et pourtant sa vie un jour s’est écroulée, la vie qui était comme sa seconde peau, dans laquelle elle espérait aller jusqu’au bout de l’existence, cette vie s’est déchirée, et elle a soudain été expulsée de l’ordinaire où elle était si bien.

C’est cela qui touche ici, cette simplicité, cette façon de montrer que quiconque vit a un cœur qui peut se briser et alors, advienne que pourra. D’humaine, on fait naître une sorte de monstre. Tout ça pour quoi ? Pour une histoire banale de mari qui la trompe, de mari qui s’en va, de rêve qui disparaît surtout.

C’est un comédien qui joue ce personnage attachant, drôle parfois de lucidité nouvelle, de pensées un peu bêtes. Un choix fantastique que de choisir un homme pour jouer ce personnage. Mais Erwan Daouphars ne singe pas la femme. Il ne truque pas. Il est ce genre nouveau, sans maquillage, né du drame. Une belle manière pour éradiquer tout pathétisme, tout apitoiement, pour que jaillisse du très beau texte de Solenn Denis la cruauté, la détresse et finalement l’humanité.

Bruno Fougniès

 

Sandre

Texte Solenn Denis (Éditions Lansman)

Interprétation Erwan Daouphars

Mise en scène Collectif Denisyak
Conception lumière Yannick Anché
Conception scénographique Philippe Casaban et Eric Charbeau
Costumière Muriel Leriche
Construction décor Nicolas Brun

 

Mis en ligne le 4 avril 2018