GARDE-BARRIÈRE GARDE-FOUS (Paroles de Femmes #2)
Théâtre de l'Aquarium
La Cartoucherie
Route du champ de manœuvre
75012 Paris
Tél : 01 43 74 72 74
Jusqu’au 26 mars
du mardi au samedi à 21h00
dimanche à 17h00
Imaginez… Une garde-barrière. Une vraie – Car ce texte-là n’est pas théâtral, il a été proféré par une vraie garde-barrière, il y a quelques années, durant une interview radiophonique. Vraie personne, donc, mais quelle est son importance ? Aucune… Une simple garde-barrière. Oui. Mais attention… espèce en voie de disparition ! Rouage humain de la grande mécanique ferroviaire remplacé par les connections électroniques des automatisations modernes. Bref, une sommité de cette profession aujourd’hui inexistante. Un vestige.
Voilà le premier personnage incarné avec une franche joie de vivre par Léna Bréban. C’est à la fois un métier et une vie qu’elle raconte. Les jours rythmés par les passages des trains, et ces longues heures qu’il faut occuper par de menus travaux et des pensées, et aussi les luttes pour améliorer les conditions de travail dans cette petite guérite à peine protégée de la pluie, sans confort où il faut rester ses huit heures sans négligence.
Le deuxième personnage de ce spectacle est une autre gardienne. Une garde malade. Dans un hôpital psychiatrique. Garde de nuit. Garde-fous.
Puisé à la même source radiophonique d’une émission de France Culture, ce deuxième témoignage est lui aussi une tranche de vie. Description de ces longues nuits à attendre le lever du jour en s’occupant de tout un étage de patients aux sommeils troublés, agités, aux insomnies fréquentes. Appels au secours, cauchemars, plaintes…
Le dispositif scénique imaginé dans la mise en scène de Jean-Louis Benoit est le même pour les deux parties du spectacle. Des projections filmées nous transportent une fois dans la solitude quasi désertique des voies de chemins de fer de la SNCF, une autre fois à la découverte amusée des malades de l’hôpital en proie aux agitations nocturnes.
On dirait de ces deux personnages qu’ils ont été posés là où ils sont avec leur tache à accomplir par un dieu indifférent. Et elles prennent totalement en charge ces destins, mais en ajoutant au travail qu’elles doivent effectuer l’ingéniosité, la sensibilité humaine et leurs consciences. De là où elles sont, fixées dans un poste qui est devenu le centre de leurs existences, elles ont un bonne vue sur le monde, et comme il évolue, et comme il s’améliore ou se détériore, c’est selon. Que cela concerne les conditions de travail, les vitesses des trains, les nombres de détresses psychologiques… des petits segments de sociétés qui sont révélateurs du tout.
Léna Bréban parvient à donner à ces deux femmes une réalité pleine de tendresse et de poésie. Dans cette grande salle de l’Aquarium, elle réussit l’exploit de donner l’impression à chacun des spectateurs qu’il est celui à qui elle raconte son histoire. Son regard lumineux agit comme un visa pour la franchise.
Et puis, il est touchant de voir que le travail, même et peut-être surtout, ces emplois humbles, ouvriers, sont tout sauf « juste un moyen de gagner sa vie », comme on dit. Ce ne sont pas des jobs. Ce sont des vies entières qui se créent autour des contraintes de ces emplois. Des existences.
Toute la beauté du spectacle de Jean-Louis Benoit est sans doute là : dans la noblesse extrême de ces vies totalement dévouées à un travail, et cette magnifique fierté qui resplendit derrière la fatigue, la nostalgie, l’humilité.
Bruno Fougniès
Garde-barrière Garde-fous
D’après l’émission « Les pieds sur terre » par Sonia Kronlund de France Culture :
Monique garde barrière, reportage d’Olivier Minot (2008)
et Les travailleurs de l’ombre II : Garde-fou, jusqu’au bout de la nuit, reportage Élodie Maillot (2007)
Mise en scène Jean-Louis Benoit
Décor Jean Haas
Son Stéphanie Gibert
Lumière et vidéo Pascal Sautelet
Costumes Marie Sartoux
Avec
Léna Bréban
Mis en ligne le 16 mars 2016