MATIN ET SOIR

Théâtre de l’aquarium
La Cartoucherie
Route du champ de manœuvre
75012 Paris
Tél : 01 43 74 72 74

Jusqu’au 25 février 2019
à 20h, le dimanche à 16h

 

Matin et soir loupe 

Ce roman de Jon Fosse (car il ne s’agit pas d’une pièce, à la base) a déjà été adapté plusieurs fois au théâtre.  Forcément une adaptation, si bonne soit-elle, se ressent de son matériau d’origine. Le côté littéraire, très écrit (même si les mots sont simples et les images souvent belles) est bien là.

"Matin et soir", donc, commence par une naissance. Une naissance évoquée et "jouée" par un comédien, Pierre Baux en l’occurrence.

Dans  un décor étrange constitué d’un fond bleuté et d’un plan incliné entouré d’eau, voici donc les premières contractions, l’attente, la souffrance puis la délivrance. Un personnage est débout dans la pénombre, attendant.

L’enfant naît. Il s’appelle Johannes. Il grandit très vite puisque toute la seconde partie raconte une de ses journées de vieil homme : la petite maison, le rituel du café et de la cigarette, la balade en direction du port, sa rencontre avec Peter, son vieil ami Peter. Ils tentent de vendre des crabes, en vain. Quelque chose est étrange dans tout cela , quelque chose ne tourne pas rond. De petits décrochements en petits décrochements,de questions sur son veuvage en apparition de son ami Peter, qui pourtant était mort, nous sommes troublés. Le suspense ne dure pas très très longtemps, l’auteur déclinant ensuite, une fois la révélation faite, la situation jusqu’à son terme poétique et... logique. Il y aura aussi la rencontre avec deux jeunes filles, une histoire de cheveux et la belle et simple idée que recèle ce texte et qui touche à la mort.

Que dire de plus ? Sinon que Claude Régy, l’austère et exigeant Régy avait déjà monté ce texte. Le metteur en scène Antoine Caubet s’inscrit dans cette lignée : le texte est dit, sobrement. Parfois Pierre Baux reste immobile se contentant de bouger très légèrement. Même les scènes à deux   entre Johannes et son ami Peter (le personnage de l’ombre) ou celles qui font se croiser Signe, la fille de Johannes et celui-ci sont dépouillées.

Certains trouveront cela minimaliste et un peu vain.

À l’inverse on saura apprécier la rigueur de l’approche, la façon de traiter le texte comme un personnage entier. Comme une force. De la vie qui s’élève encore. Les mots ne créent-ils ou ne recréent-ils pas une réalité ?

Parlons du jeu : l’immobilité, à la longue, devient (ou peut devenir) fascinante. Les corps (celui, sec, de Pierre Baux) et les voix (celle grave, presque d’outre-tombe d’Antoine Caubet) participent à la magie et plongent peu à peu le spectacteur dans une complète osmose.

Les anti-Fosse ne changeront pas d’avis. Les autres, nombreux, iront partager ces moments précieux avec les comédiens de  "Matin et Soir".

Gérard Noël

 

Matin et soir

de Jon Fosse
Mise en scène : Antoine Caubet
Asssistante : Marlène Durantau.
Lumières : Antoine Caubet et Romain Le gall Brachet.
Son : Valérie Bajcsa.
Costumes : Cidalia Dacosta
Maquillage et perruque : Magali Ohlman.
Photographie : Hervé bellamy
Construction des décors : Éric den Hartog et Antonio Rodriguez
Régie générale : Romain Le Gall Brachet.

Violoncelle, composition et interprétation : Vincent Courtois

 

Mis en ligne le 7 février 2019