LE JOUEUR D’ÉCHECS

Au Lucernaire
53 rue N.D des Champs
75006 Paris.
01 45 44 57 34

Jusqu’au 13 mars 2016
du mardi au samedi à 19h.
Dimanche à 15h.

 

Le Joueur d’échecs loupe 

C’est en 1942 que Stefan Zweig se donnait la mort, de même que sa jeune épouse.  « Le joueur d’échecs » est sa dernière œuvre. C’est une parabole sur le pouvoir avec en toile de fond la montée du nazisme. Ou, comment la résistance peut conduire à la folie.

Lors d’une croisière, l’auteur rencontre un joueur d’échecs moyen… mais riche nommé Mc Grégor. Or sur le paquebot, se trouve un célèbre champion d’échecs, inculte et retors. Quelques parties s’engagent, moyennant finances, jusqu’à ce qu’intervienne un inconnu pâle et maigre… dont nous allons apprendre comment il s’est trouvé amené à se passionner pour ce jeu : pour cet homme arrêté puis interrogé longuement après avoir été placé en isolement, les échecs représenteront à la fois une porte de sortie et un enfer. Question : Peut-on trouver refuge dans sa propre tête ?

Zweig parsème son texte de notations parlantes : « On eût dit que cet homme lisait ses coups dans un livre » écrit-il au début à propos de l’inconnu, ou encore « Les monomaniaques de tout poil m’ont toujours passionné ».

Dans ce spectacle, adapté du roman, André Salzet est seul en scène. Il est à la fois le narrateur, un élégant Viennois, Mc Grégor, le champion inculte à la réussite fulgurante… et l’inconnu auquel le titre fait allusion. C’est un récit à tiroirs, avec des dialogues mais où une large part est faite à la narration. On mesure donc la difficulté d’une telle entreprise, ancrer dans une réalité, celle de la scène, une évocation « littéraire ». L’adaptateur et comédien s’en tire mieux que bien : assez vite, grâce à un jeu savant d’éclairage, grâce à la mise en scène… et surtout à l’interprétation, on est captivé par cette histoire.  On est sur la bateau, on écoute, troublé, la confession de l’inconnu… on bascule, comme lui, dans l’obsession de ce carré fait de cases noires et blanches sur lequel on déplace (comme si sa vie en dépendait) de petits morceaux de bois. Le comédien se partage entre le récit et le jeu. Il devient le joueur, remplissant le vide de son temps à recréer des parties tirées d’un petit livre. Le texte est dense mais l’action fluide.  La mise en scène précise et sobre d’Yves Kerboul donne toute son ampleur et son efficacité à cette histoire.   

Après avoir joué ce spectacle un peu partout et notamment, il y a plusieurs années, au Lucernaire, André Salzet le reprend : c’est une bonne nouvelle pour les amateurs de Zweig… et les autres.  En bref un « Joueur d’échecs » qui ne laisse pas indifférent, qui marque, même, durablement.  Et incite à la réflexion.

Gérard Noël

 

Le Joueur d’échecs

Texte de Stefan Zweig
Mise en scène : Yves Kerboul

Adaptation et jeu : André Salzet

Régie lumières : Ydir Acef
Traduction : Jacqueline Desgouttes.

 

Mis en ligne le 8 février 2016