LA DERNIÈRE IDOLE

Avignon Off

Artéphile
5 bis rue du Bourg Neuf
84000 Avignon
04 32 70 14 02

Du 7 au 17 juillet 2016 à 22h40

 

La Dernière Idole loupeCrédit photo @beair, Silencio 2016

Fin de soirée quelque part, n’importe où, comme il y en a des centaines tous les weekends vers 3, 4 heures du mat’. La table couverte d’assiettes sales, de verres culottées au vin rouge, de bouteilles vides, cadavres renversés, vestiges d’un dîner copieusement arrosé où ne survit qu’un dernier fêtard, gavé d’alcool sans doute, seul. Mais ce n’est pas à chacune de ces centaines de fins de soirées que le dernier qui reste est une lumineuse idole de notre inestimable civilisation. Idole, star, vedette, poursuivie par des fans prêts à tout donner et tout recevoir de celui qui les fait chavirer par ses roucoulades rock-and-roll de concerts en album, de méga-shows en reportages people, et cela depuis plus de 50 ans.

Mais pas de pyrotechnie ce soir pour donner au chanteur le clinquant qui fait trembler les cœurs de tous ses adorateurs : il est « au naturel », seul, débarrassé de ses gardes du corps, de ses producteurs, attachés de presse, musiciens, infirmiers et autres fournisseurs de stimulants de toutes sortes. C’est bientôt le petit matin et l’heure floue où les souvenirs se mêlent aux espoirs déçus, où les questions font des trous dans les costumes de parade.

Hélène François et Emilie Vandenameele se sont inspirées de détails de la vie de Johnny Halliday pour dresser le portrait de ce personnage devenu au fil des ans un objet marketing et la cristallisation des phantasmes de milliers d’admirateurs/trices. On ne devient pas une idole sans y laisser sa vie. Leur texte explore cette brèche qui existe entre le paraître à tout prix et la véritable sincérité humaine, la simplicité fondamentale.

Seul en scène dans cette scénographie d’after After, Pierre-François Garel invente ici un personnage constamment en balancement entre l’incarnation d’un fantoche créé par le succès, et une distance ironique, salvatrice qui le détache par instant du réalisme. Il déploie un beau talent et une belle énergie pour boxer seul avec les mots, les accessoires et les évocations de cette histoire. Au point que son interprétation semble au-dessus du personnage de cette histoire et l’on aurait envie qu’il se libère des contraintes de ce texte qu’il sert à merveille. Un texte qui semble ne pas vouloir fouiller plus profond cette mise à nu d’un phénomène tout à fait particulier des sociétés : l’idolâtrie et les failles étranges que celle-ci creuse dans la substance des personnalités au point d’en faire d’étranges fantômes dépourvu de conscience, de repères.

On reste, avec ce spectacle dans un entre deux, ni bioplay de Johnny, ni fiction d’une star inventée. Les deux metteurs en scène ont d’ailleurs fait le choix judicieux de ne rechercher à aucun moment la ressemblance, ni même la vraisemblance physique avec leur modèle. Mais l’on peut regretter un texte trop sage pour que ce portrait nous touche comme il pourrait.  

Bruno Fougniès

 

La Dernière Idole

Écriture, mise en scène et scénographie Hélène François et Emilie Vandenameele
Écriture physique Stéphanie Chêne
Création lumière Etienne Exbrayat
Création sonore Thomas Beau
Régie générale Manu Vidal

Avec Pierre-François Garel

 

Mis en ligne le 15 juin 2016