INFLAMMATION DU VERBE VIVRE
Théâtre national de la Colline
15 rue Malte-Brun
75020 Paris
01 44 62 52 52
Jusqu’au 30 novembre 2018
Du mercredi au samedi à 20h30
le mardi à 19h30
le dimanche à 15h30
Comment dépasser la perte ? Pourquoi continuer à vivre après la mort de ceux qu’on aime ? Wajdi Mouawad met en scène ce questionnement à la fois intime et universel sur la douleur du deuil et l’égarement qu’il provoque.
La mise en scène très belle est sobre : un seul acteur, le metteur en scène « himself », également auteur, nous adresse ses doutes et ouvre la porte d’un autre monde dans lequel nous pénétrons grâce à la force du virtuel. Installé face au public, avec pour seul décor un écran vidéo, il nous fait passer un seuil, et c’est toute l’errance de Wahid qui est projetée. Cette installation ingénieuse laisse voir le périple intérieur et permet de faire dialoguer sur scène différents espaces mentaux en spatialisant cette dimension trouble, entre réel et imaginaire, entre la vie et la mort : zone hors monde, on suit le parcours tant intérieur qu’extérieur, véritable odyssée sur les terres grecques du tragique. Et Philoctès devient le symbole de cette blessure à surmonter, de cette perte qui marque irrémédiablement la mémoire.
Ce qui est véritablement génial, c’est l’aisance du comédien-metteur en scène-auteur qui joue avec justesse, faisant vivre une émotion sans pathos, communiquant la douleur sans épanchement ni complaisance lyrique. La distance introduite par l’écran montre comment la culture et l’art aident à penser et à panser les blessures. Les derniers mots, « tout n’est pas perdu », sauvent du tragique, de l’absence de sens même si, finalement, le sens demeure toujours à inventer. Ici, l’écriture fait revivre les morts, le théâtre fait revivre les mots et l’inflammation du verbe vivre prend tout son sens. Ne pas trahir ses rêves, renouer avec ce qui anime, le feu du vivre. C’est effectivement un théâtre dont on peut tirer des leçons mais qui ne fait pas la leçon : une invitation à un vivre plein et entier, à un re-vivre enflammé, et non à un simple survivre. Un véritable choix de vie, magistral ! Ce spectacle renoue avec la tradition du conte et présente une errance personnelle qui rencontrera une errance politique pour aboutir à un appel à une vie travaillée par le feu du désir, la force des rêves pour vivre une vie vivante, traversée par la mort. À nous de laisser brûler ce magnifique feu de joie tragique.
Florianne Gani
Inflammation du verbe vivre
De Wajdi Mouawad
Mise en scène : Wajdi Mouawad
Dramaturgie : Charlotte Farcet
Scénographie : Emmanuel Clolus
Réalisation sonore : Michel Maurer
Assistante à la mise en scène pour la reprise : Valérie Nègre
Image, son, montage : Wajdi Mouawad
Conception et régie lumières : Sébastien Pirmet, Gilles Thomain
Conception costumes : Emmanuelle Thomas
Musiques : Michael Jon Fink
À l'écran : Dimitris Kranias
Avec : Wajdi Mouawad
Mis en ligne le 25 novembre 2018