GROS SAVON

Théâtre ESSAION
6 rue Pierre au Lard
75004 PARIS
01 42 78 46 42
Du 2 janvier au 8 février 2012, les mardis et mercredis à 20 h.

Un gros savon et un petit savon discutent : le petit savon clame haut et fort que s'il est mince, c'est parce qu'il se lave souvent. Alors que le gros savon, dit-il, pour être dans un tel état, ne doit jamais se laver. Il est donc probablement sale !

Cette métaphore est une des nombreuses histoires et anecdotes qui émaillent le spectacle de Candice Beaudrey. Jeune comédienne au physique généreux, elle a écrit le texte qu'elle joue. Elle y dénonce la dictature du svelte, le rejet des bourrelets, tout ce qui fait qu'on admire une oeuvre d'art (de Botéro, par exemple) alors que les femmes potelées collectionnent souvent les commentaires désobligeants et les râteaux.

Probablement incontournables pour elle, (après une telle entrée en matière), les considérations sur la « maladie » qui consisterait à trop manger, sur l'assimilation du frigo à la poubelle, tout un prêchi-prêcha qui semble tiré de « Cosmo ». Passons.

Plus intéressant, assez vite, ce qu' inspire à Candice, Internet et surtout ses réseaux où les amis se ramassent à la pelle, suivez mon regard. Elle y ironise sur le « deux points, tiret, parenthèse droite ou, pire, le point-virgule, tiret, parenthèse droite de connivence. Elle invente aussi le concept de « petit-t-ose » pour celui qui ne se lance pas, qui reste frileux, timide, corseté.

À partir de là, on oublie un début aux forceps pour s'abandonner aux délices d'un texte et d'un jeu qui fonctionnent : quand elle lance « Je suis un homme ! » et démonte l'absurdité du regard que l'on peut porter sur elle, ou quand elle accompagne des copines minces pour faire des essais de fringues en se doutant qu'il n'y aura évidemment pas sa taille, Candice fait encore mouche. « Un ami, glisse-t-elle au passage, ça a souvent de l'espoir à votre place ! »

Le but n'est pas ici de résumer tout le spectacle qui n'est pas une suite de sketches mais une déambulation subtile (avec un personnage récurrent, le sien) parmi les travers d'une société fondée sur la paraître. Disons simplement qu'au moment où une redite sur la difficulté à trouver l'âme sœur quand on fait du 46 fait froncer le sourcil, on nous raconte l'histoire de la jeune fille qui vient de rencontrer un amoureux et même de l'embrasser avec la langue. Tout simplement craquant. L'auteur interprète pourrait (à la façon de Zouc, s'il fallait trouver une référence) nous surprendre en campant d'autres personnages, elle le fait très bien.

Si le conte de la fin peut sembler un peu longuet, ce spectacle tonique et enlevé emporte finalement l'adhésion : à cause du brio de l'interprète, bien mise en scène et qui « bouge » bien. À cause aussi de cette façon de tisser sa toile, de tourner autour d'un thème en l'attaquant de diverses façons (parodie d'une tirade de Cyrano incluse !) de le pressurer, de sembler l'abandonner pour mieux y revenir ensuite. Et puis Candice Beaudrey s'assume, …la preuve, elle en fait un spectacle. Elle s'interroge et nous interroge. On rit. Et quand « le gros savon » du titre est submergé par l'émotion, nous le sommes aussi, il faut bien le dire.

 

Gérard NOEL

 

 Avec Candice Beaudrey
Mise en scène : Mélina Ferné