Théâtre de la Vieille Grille
1, rue du Puits de l’Ermite
75005 Paris
01 47 07 22 11

Jusqu’au 29 juin.
Les 30 mai, 7, 8, 12, 13, 14, 16, 17, 20, 23, 28, 29 juin à 20h00

 

 

L’histoire commence comme une pure comédie, par un grain de sable qui vient perturber l’ennui de la machine. Une comédie de campagne – dans tous les sens du terme – campagne du terroir et campagne politique. (Actualité brûlante, n’est-ce pas ?)

« Ce soir, salle polyvalente Nicolas S., l’élue de la république madame … viendra faire le discours d’inauguration, inauguration qui sera suivie d’une conférence de monsieur Jean-Paul Pouchkine sur le bon goût, le goût français ! »

C’est un homme de l’ombre que ce Pouchkine, une petite main, nègre littéraire pour les discours de sa patronne élue extrêmement droite. Un subalterne, un moins que rien, un murmure qui longe les façades, une utilité… mais ce jour-là, dans cette salle polyvalente nouvellement construite, l’attente se prolonge, puis la nouvelle tombe : l’élue ne viendra pas, il faut que Jean-Paul Pouchkine se charge de lire le discours prévu et enchaîne sur la conférence… rien de plus facile à priori puisque c’est lui qui l’a écrit, ce discours !

Face au micro, papier en main, les mots, ses mots, pourtant, ne parviennent pas à franchir ses lèvres. Paroles populistes, sectaires voire pire… qu’il ne peut prononcer, lui qui est d’origine belge et lettone. Alors il va nous raconter autre chose.

C’est un texte diablement malin que Régis Ivanov (également interprète) a écrit là. Mais aussi un texte qui, comme si de rien n’était, va nous faire survoler l’histoire de France depuis son origine jusqu’à nos jours. Une histoire, non seulement parsemée de faits, de personnages, mais aussi de courants artistiques, politiques et… culinaires avec tout de même un fil conducteur tenace et généreux : un amour pour la culture française qui n’a cessé d’être nourrie par tous les êtres d’origine étrangère.

Dès la naissance de France, tout est là… Clovis… un type d’origine belge, épouse Clotilde, princesse burgonde, germanique ou même slave, enfin, venue d’un pays de l’est… Pline l’ancien au 1er siècle, situe ce peuple en Pologne… bref… France est née d’un belge et d’une slave. Doux mélange…

Et c’est ainsi que survolant le moyen-âge, la renaissance, les lumières et tous les grands mouvements artistiques et humains jusqu’à l’art nouveau, jusqu’au surréalisme et au-delà, le personnage de l’ombre, Jean-François Pouchkine (lui-même d’origine belgo-lettone, n’est-il pas ?) se révèle à lui-même et trace pour les hommes du 21ème siècle l’ébauche d’une culture éprise de liberté, de tolérance, riche d’une porosité au monde.

L’acteur/auteur avance par petites touches, aidé par quelques projections vidéo, une bande son et une mise en scène simple d’Olivier Hamel, une mise en scène soucieuse de mettre l’accent sur le personnage et la lente prise de conscience de cet être qui, jusqu’à ce soir-là, a vendu son talent pour une cause injuste. Et c’est la grande qualité de ce spectacle que de voir ce personnage se dévoiler, oser s’exprimer en son nom, malmené par moments par le doute mais toujours porteur d’une véritable humanité. Sensible, émouvant, impressionnant.

Régis Ivanov réalise ici une partition de soliste d’une très grande sobriété, qui associe rire, dérision et profondeur. Cocasserie, jeu et érudition. Il parvient en un peu plus d’une heure à dessiner l’histoire d’un pays multiculturel, multiethnique, ouvert, un pays qu’on se prend soudain à avoir envie d’aimer.

Bruno Fougniès

 

French Touch

Texte Régis Ivanov
Mise en scène Olivier Hamel
Collaborations artistiques : Olivier Werner, France Viard-Grewer, Anne-Marie Arbefeuille, Patrick Pouchin

Avec : Régis Ivanov