CÉLINE – DERNIERS ENTRETIENS
Théâtre de Poche Montparnasse
75 bd du Montparnasse
75006 Paris
01 45 44 50 21
Jusqu’au 13 janvier 2020
les lundis 19h00
Un tête-à-tête avec Céline, cela ne se refuse pas !
Quelques images vidéo et sonores nous entraînent dans le pavillon de Meudon, ultime refuge de l’écrivain en 1960, et nous font entrer dans son bureau : il est assis, il travaille. On entend les aboiements des chiens, le sifflement de son perroquet préféré, la musique des cours de danse donnés par son épouse à l’étage supérieur…
Par touches subtiles et sensibles, l’univers familier de Céline se met en place, judicieusement mis en scène par Géraud Benech.
Soudain l’obscurité envahit la scène. Peu à peu l’œil du spectateur devine une silhouette floue qui semble se mouvoir et va très progressivement prendre forme. Lorsque la lumière revient, le public découvre un Céline plus vrai que nature, magnifiquement réincarné par la grâce et le talent de Stanislas de La Tousch.
L’entretien peut commencer. L’écrivain va répondre à des questions qui furent réellement posées ; par contre sur scène, l’absence des corps et des voix des interviewers laisse libre cours à l’imaginaire des spectateurs.
Enfin Céline prend la parole et l’on retrouve tout : sa voix, son verbe, sa gouaille, son rythme, son phrasé, sa gestuelle, son corps vieilli, son regard.
Ce qui le différencie des autres écrivains ? « C’est que j’travaille et qu’les autres foutent rien.. ! »
Il raconte l’histoire de sa vie : son enfance misérable, son départ à la guerre de 1914, ses blessures et ses médailles, son bac préparé en autodidacte, sa vocation pour la médecine, ses voyages nombreux, son entrée fracassante en littérature avec « Voyage au bout de la nuit », ses errements idéologiques et son délire de persécution.
Manifestement il provoque, ruse, embrouille son auditeur et probablement sa propre conscience; se fabrique un personnage cynique, crache sa misanthropie, rugit sa haine de la société. Mais son démon du paradoxe fit aussi de lui un « médecin des pauvres », un bourreau du travail littéraire « moi, j’mets ma peau sur la table », un pessimiste profond qui confiait « au commencement était l’émotion ».
Sur son antisémitisme, Céline invoque une regrettable erreur, enracinée dans des circonstances historiques comme l’affaire Dreyfus. Il cite des persécutions perpétrées dans le passé : exemple Louis XIV avec les protestants et la révocation de l’Édit de Nantes, Louis XV avec les jésuites ; et il ajoute avec une ironie cynique que, peut-être, à l’époque des pamphlets, il s’était pris pour l’un de ces souverains mais qu’il aurait mieux fait de rester tranquille !
Enfin, bien qu’il affirme tout au long de l’entretien n’avoir jamais eu aucune vocation pour l’écriture il ne cesse de clamer sa passion pour le style et d’arguer du labeur considérable qu’exige ce dernier. Céline serait-il devenu écrivain malgré lui ? En tout cas, un géant de la littérature qui jouit de ses diaboliques contradictions.
Nadia Baji
Céline – Derniers entretiens
Texte : d’après Cahiers II Céline et l’actualité littéraire, 1957-1961 publié aux éditions Gallimard
Mise en scène : Géraud Benech
Comédien : Stanislas de La Tousche
Mis en ligne le 18 septembre 2019