Difficile, n'en déplaise aux spectateurs placés au premier rang (on vous aura prévenus...), de ne pas succomber au charme de ce Jarry-là. Il faut dire que ce comédien, non seulement atypique mais véritablement déjanté, sait parfaitement en user pour conquérir un public au profil varié. Et ça marche, ça marche même très bien : rapidement, dès les premières secondes, la salle est emportée par le rythme effréné sur lequel le spectacle est mené. Le contraste est saisissant avec le cadre du scénario qui sert de prétexte à cette débauche d'énergie très communicative, puisqu'il est celui d'une salle d'attente sinistre et engourdie de Pôle Emploi où les échecs des uns rencontrent les désillusions des autres. Cela n'en fait que mieux ressortir le burlesque des différents personnages que va camper successivement celui qui se revendique ouvertement de Buster Keaton pour leur donner vie, du policier à la princesse en passant par l'irrésistible majorette.

Jarry joue de son côté extravagant et gay, il le surjoue même sans jamais avoir peur ni des excès, ni de l'auto-dérision ni même de la méchanceté aux dépens du public quand c'est pour la bonne cause. Il est virevoltant, il chante, il danse, il imite, il bondit, il interpelle, il caricature, il gesticule tous azimut, comme s'il craignait le moindre temps mort. N'en fait-il pas trop ? Plus encore que les jeux de mots ou les situations volontiers loufoques qu'il fait naître, ce sont les performances d'acteur de l'artiste Jarry et sa présence sur scène qui font l'incontestable réussite de ce one-man-show assez irrésistible. C'est particulièrement la qualité comique de sa gestuelle qui est remarquable, car on n'en trouvera pas beaucoup d'équivalent au théâtre. L'enthousiasme et les éclats de rire des spectateurs ne s'y trompent pas.

Frédéric Manzini

Atypique

De et avec Jarry
Co-auteur : Frédéric Choquet
Co-mise en scène : Pierre-Yves Touzot
Lumières : Thierry Manciet