ACCESO

Maison des Métallos
94 rue Jean-Pierre Timbaud
75011 Paris
01 47 00 25 20

Jusqu’au 11 novembre
Samedi à 19h et dimanche à 16h

 

Acceso loupe 

 

 

 

À partir de témoignages de garçons victimes d’abus sexuels recueillis dans les centres de réinsertion des mineurs au Chili, le cinéaste Pablo Larraín (No, El club, Neruda) et le comédien Roberto Farías (El club) ont créé un spectacle coup de poing.

Roberto Farías incarne Sandokan, un homme au nom digne d’un super-héros qui n’a pas eu « accès » à la société. Il a énormément de choses à dire et invente même parfois des mots pour dire sa violente réalité, comme ce concept de « désaccessisation » qui marque son récit de vie. C’est entre deux tentatives de vente de livres ou de gadgets divers qu’il nous raconte les souvenirs d’une jeunesse marquée par la drogue et le viol. Haletant et dégoulinant de sueur, il se promène tout le long du spectacle parmi le public pour littéralement nous cracher son texte en plein visage. Débité à vive allure, le monologue est souvent empli de rage et parfois entrecoupé par des silences ou des pleurs, qui soulignent la détresse du personnage.

Sandokan a été violé par des messieurs de la télé, des professeurs de sport et des curés qui le récompensaient avec des pizzas, et il nous relate ces scènes dans les moindres détails, tout près de nos visages, répétant plusieurs fois les phrases les plus violentes, comme pour les faire résonner dans nos têtes. Mais le plus dérangeant sans doute est le fait que le personnage semble confondre le viol de ces hommes de pouvoir et l’amour. Ainsi, c’est une fois les pédophiles arrêtés que Sandokan se retrouve livré à lui-même, obligé de vendre son bric-à-brac pour survivre et regrettant ses bourreaux sexuels.

Pour autant, il ne cherche pas la compassion – les mots de la fin nous remettent bien à notre place – mais il nous bouscule, éveille une certaine rage, du dégoût et nous colle la chair de poule avec une chanson finale à couper le souffle. En brisant la distance physique entre spectateur et acteur, en venant nous chercher sur notre confortable siège de spectateur, Roberto Farías réalise une performance qui s’inscrit dans un théâtre véritablement politique, proche du « théâtre de la cruauté » d’Antonin Artaud.

Ivanne Galant

 

Acceso

Texte : Pablo Larraín et Roberto Farías
Mise en scène : Pablo Larraín

Avec Roberto Farías

Assistante à la mise en scène : Josefina Dagorret
Régie : Catalina Olea
Lumières : Sergio Armstrong
Traduction : Tiphaine Caron, Nicole Mersey
Production déléguée : Sens Interdits, Festival International de Théâtre, en partenariat avec FITAM – Fundacíon Teatro a Mil, Chile
Avec le soutien de l’ONDA - Office National de Diffusion Artistique (création surtitrage)

 

Mis en ligne le 10 novembre 2018