THE LIGHTHOUSE
Athénée Théâtre Louis Jouvet
7 Rue Boudreau
75009 Paris
01 53 05 19 19
Jusqu’au 28 avril
mardi 25 avril à 19h00
jeudi 27 et vendredi 28 avril à 20h00
Un opéra minimal par le nombre d’interprètes sur le plateau – ils sont trois – mais certainement pas par l’ambition musicale ou narrative.
Tiré d’un fait divers qui s’est déroulé en 1900 dans une île au large de l’Ecosse cet opéra contemporain, met en scène trois personnages principaux, trois gardiens d’un phare (Lighthouse) planté au milieu de la mer, qui disparurent un jour de tempête, sans laisser de trace, comme s’ils avaient soudain été avalés par des forces mystérieuses. Une énigme jamais résolue mais dont la bizarrerie a provoqué toute une série de suppositions, souvent superstitieuses, ou fantasmagoriques. Histoires de monstres, de malédictions, de folies…
Le compositeur Peter Maxwell Davies s’est emparé de cette histoire pour créer une œuvre contemporaine extraordinairement expressive. Pourtant, pour quelqu’un qui, comme moi, n’est pas initié à la musique contemporaine, la musicalité étrange surprend. Ici, la musique est rupture, flirtant avec les dissonances, égrenant des silences dans une rythmique hors géométrie, une musique qui a l’air de se moquer totalement des phrases mélodiques et des airs auxquels nous ont habitués les compositeurs classiques. Jaillissement de sons, clochettes, percussions diverses, un univers riche, fourmillant, aux harmonies nouvelles, difficiles à déceler mais pourtant…
Sur scène, trois chanteurs, Christophe Crapez, ténor, Paul-Alexandre Dubois, baryton, Nathanaël Kahn, basse ont aux aussi des partitions qui s’empressent de bouleverser les mélodies. Les voix font des bonds d’une octave à l’autre, les voix de têtes se disputent avec les basses les plus ténébreuses, pas de ritournelle ici, ni de musique accompagnant le chant mais les voix sont elles-mêmes des instruments qui s’intègrent aux autres sans soutien particulier ni soumission de l’orchestre. Une façon de raconter qui donne un sens aux paroles des personnages, une immédiateté du sentiment qui touche et parvient à faire comprendre simultanément ce qui est dit et ce qui est ressenti.
Dans la fosse, l’ensemble musical Ars nova fait jaillir toute sa fougue. Contrebasse, violons, piano et cuivres se relaient avec guitares, flutes, piano désaccordé, banjo et toute une flopée de percussions qui semblent sans cesse être le moteur de cette explosion sonore.
Sur le plateau, un décor entre réalisme et figuratif, phare renversé dont l’escalier mène dans les airs. Projections vidéo, fumées et bandes-sons maritimes nous situent bien dans l’univers inquiétant et solitaire de l’île.
Alain Patiès, le metteur en scène, a choisi de monter cet opéra, non seulement pour ses qualités romanesques et musicales, mais aussi parce que cette histoire s’ancre aussi dans notre réalité économique puisque les trois gardiens de phare disparus dans d’aussi étranges circonstances seront remplacés, faute de volontaires, par un phare automatisé : l’occasion de prendre conscience qu’une bonne partie des emplois dans le monde seront un jour ou l’autre remplacés par des machines ou des robots.
Reste tout le ludique et le merveilleux qui forme le fond de ce spectacle dont l’histoire se déroule un peu à la manière d’une enquête policière amusante et à une sorte de reconstitution à base de caractères bien trempés.
Cette composition et ces chants se révèlent finalement riche de sens et d’émotions et donnent un véritable écho aux sentiments que la vie actuelle provoque. Une révélation.
Bruno Fougniès
The Lighthouse
Spectacle en anglais surtitré.
Opéra et livret de Peter Maxwell Davies
Direction musicale Philippe Nahon
Mise en scène Alain Patiès
Ars Nova ensemble instrumental
Scénographie Laure Satgé, Valentine de Garidel
Lumières Jean-Didier Tiberghien
Costumes Gabrielle Tromelin
Chef de chant Jean-Yves Aizic
Avec Christophe Crapez, ténor / Paul-Alexandre Dubois, baryton / Nathanaël Kahn, basse
Mis en ligne le 25 avril 2017