IL MONDO DELLA LUNA
MC93
9 boulevard Lénine
93000 Bobigny
01 41 60 72 72
Du 22 au 28 juin 2013, 20h.
On connaît L’Autre Monde ou les États et empires de la Lune de Cyrano de Bergerac. Moins sans doute lI Mondo della Luna de Haydn, composé au XVIIIe siècle également d’après un livret de Goldoni, que l’ambitieuse programmation de la MC93 de Bobigny nous donne à voir pour quelques représentations qui font salle comble. Tout aussi satirique que la fable de l’écrivain français, qui est plutôt tourné contre la religion, l’opéra du musicien de cour s’attaque, dans un registre finalement assez moliéresque, au conservatisme et à l’hypocrisie des conventions sociales quand elles enferment les femmes dans un rôle figé et empêchent les amoureux désargentés de s’aimer librement. Par contraste, le monde imaginaire de la Lune est le lieu où tout est possible, où chacun apporte ses propres fantasmes (de jeunes femmes caressant de vieux hommes, des hommes les corrigeant…), mais où seuls les plus naïfs se laisseront prendre. D’où le stratagème imaginé par le rusé Ecclitico pour duper Buonafede en lui faisant croire qu’il pourra s’y rendre et profiter de la vie qu’y mènent ses habitants.
La première partie du spectacle plonge les protagonistes, habillés pauvrement, au milieu des encombrants et d’une caravane de fortune, dans un terrain vague. Ce choix semble déroutant, pour ne pas dire incohérent, mais il prend son sens dans la seconde partie où le spectateur reconnaît certains éléments réutilisés pour fabriquer un décor lunaire de pacotille, grâce à un art de la « récup’ » inventif et drôle. D’une manière générale, toute la mise en scène de David Lescot tire ce « dramma giocoso » du côté de l’opéra bouffe, y compris avec quelques interventions (l’ajout du synthétiseur ou certains mouvements de kung fu notamment) dont la nécessité n’est pas évidente. Le résultat, assez fantasque et très plaisant, séduit le public, même si l’on se demande parfois si l’accent mis presque exclusivement sur la veine comique ne se fait pas parfois au détriment de l’émotion qui se dégage de la musique raffinée et subtile de Haydn, dont la charmante clarté correspond parfaitement à l’atmosphère féérique de la Lune. Sans se prendre au sérieux, les solistes de l’Atelier lyrique de l’Opéra national de Paris la servent d’une manière tout à fait remarquable. Il faut saluer leur talent, en particulier celui des voix féminines dans leur totalité ou celui du jeune ténor portugais João Pedro Cabral qui se montre particulièrement brillant en Ecclitico (le baryton Piotr Kumon, dans le rôle certes exigeant de Buonafede, l’est un peu moins).
Ce spectacle enjoué, à la fois beau et divertissant devrait donc facilement conquérir un public qui, à défaut de pouvoir aller sur l’exotique Lune, sera ravi de franchir le périphérique.
Frédéric Manzini
Il Mondo della Luna
Opéra de Joseph Haydn
Livret de Carlo Goldoni
Mise en scène de David Lescot
Orchestre-atelier Ostinato sous la direction de Guillaume Tourniaire
Avec
Eva Zaïcik (soprano),
Anna Pennisi (mezzo-soprano),
Kévin Amiel (ténor),
En alternance
João Pedro Cabral ou Oleksiy Palchykov (ténors),
Piotr Kumon ou Tiago Matos (barytons),
Élodie Hache ou Andrea Soare (sopranos),
Armelle Khourdoïan ou Olga Seliverstova (sopranos).
Durée 2h30 avec entracte.