CARMEN LA CUBANA

Théâtre du Châtelet
1 Place du Châtelet
75001 Paris
01 40 28 28 40

Jusqu’au 30 avril
Du mardi au samedi à 20h00
Dimanche à 16h00 et 20h00

 

Carmen la Cubana loupe 

Et s’il n’y avait qu’un pas entre Séville et la Havane ?

Carmen, personnage né des voyages en Espagne de Prosper Mérimée, est un véritable mythe depuis l’opéra éponyme de Georges Bizet (1875). Nombreuses en sont ses versions, parmi lesquelles le ballet à la mode flamenco mené par Antonio Gades, ou encore les films de Carlos Saura et Vicente Aranda pour l’Espagne ou encore d’Otto Preminger qui transposa l’histoire aux États-Unis. Dans sa comédie musicale, Christopher Renshaw, quant à lui, propose au théâtre du Châtelet de déplacer le cœur de l’intrigue à Cuba, en 1958, à l’aube de la Révolution.

 « On n’a pas vu de femme tant qu’on n’a pas vu Carmen » disent les soldats de Batista qui attendent chaque jour impatiemment que les cigarières sortent de la manufacture de tabac. Ils veulent admirer la belle qui se balance sur ses hanches et joue de ses charmes avec effronterie, malice et liberté. De la vie à la mort en passant évidemment par l’amour, l’histoire de Carmen est celle d’une femme qui mène les hommes par le bout de l’éventail.

Alors qu’un immense drapeau cubain tombe sur scène au son des percussions, une femme aux allures de conteuse ou de santera présente l’histoire à la manière d’un exemplum.

Après un crêpage de chignon en plein cœur de la fabrique de tabac, Carmen doit être conduite en prison. C’est José dit Cara Bonita, un naïf soldat de Batista qui n’a pas totalement réglé son Œdipe, qui se charge de l’y emmener. Sans surprise, il tombe sous son charme, en oublie ainsi Marilú, sa fiancée un peu terne et se lance corps et âme dans une passion marquée par la jalousie et la difficulté de concilier amour et liberté. En effet, Carmen ne se laisse pas « mettre en cage » et le frêle José subit la concurrence du champion de boxe charismatique, El Niño Rodríguez.

Et voilà que les ingrédients sévillans sont adaptés à la mode cubaine. La gitane est devenue la fille d’un soldat et d’une prostituée, le toreador est désormais boxeador vêtu d’un complet blanc, les congas et les bongos se mêlent à l’orchestre, la salsa remplace la séguedille et le texte est revu en espagnol. Le superbe travail de réécriture de Norge Espinosa Mendoza est à saluer. Si l’acte I est dionysiaque – l’humour n’est pas en reste, servi par des jeux de mots continuels que l’on apprécie encore mieux quand on comprend l’espagnol mais aussi par des personnages résolument comiques comme le duo de managers –, l’acte II, marqué par les mauvais présages, est plus sombre.

C’est un voyage dépaysant et revigorant. Derrière les sonorités caribéennes, la salsa, le mambo et autre chachacha, on prend plaisir à reconnaître les airs connus grâce au superbe travail d’orchestration d’Alex Lacamoire – avec un coup de cœur pour Les tringles des sistres tintaient qui devient Siente mi ritmo de tambor, particulièrement entraînant grâce à Albita, chanteuse cubaine renommée et marquée par diverses influences (son, rumba, mambo, folk). La richesse et la vitalité du spectacle sont également dues au fait que Renshaw rassemble ici des chanteurs issus de différents univers. Luna Manzanares, Carmen, apporte une touche un peu jazzy et sa voix suave se marie très bien avec celle de José, interprété par le ténor Joel Prieto, qui inscrit cette version dans la lignée de Bizet. À leurs côtés, une troupe d’une trentaine de danseurs, chanteurs et acteurs qui dégagent une énergie folle et communicative. Une ovation bien méritée pour un spectacle magnifique du début à la fin, des costumes aux décors, des paroles aux musiques : on en sort conquis, les paroles de la Habanera au bout des lèvres.

El amor es como un puñal
que vuela y mata y lo hace bien,
Llega dulce y angelical
hasta quemarte bajo la piel…

Ivanne Galant

 

Carmen la Cubana loupe 

Carmen la Cubana

Musique : George Bizet
Direction musicale : Manny Schvartzman
Orchestration et arrangements : Alex Lacamoire
Arrangements : Edgar Vero
Supervision musicale : Kurt Crowley
Livret : Norge Espinosa Mendoza
Livret : Stephen Clark
Livret : Christopher Renshaw
Lyrics : Norge Espinosa Mendoza
Conception et mise en scène : Christopher Renshaw
Chorégraphie : Roclan Gonzalez Chavez
Décors et costumes : Tom Piper
Lumières : Fabrice Kebour
Collaboration à la mise en scène : Matthew Cole

Carmen : Luna Manzanares
Jose : Joel Prieto
La Señora : Albita
Marilù : Raquel Camarinha
El Niño : Joaquín García Mejías
Moreno : Eman Xor Oña
Paquita : Eileen Faxas
Cuqui : Nyseli Vega
Rico : Tony Chiroldes
Tato : Cedric Leiba, Jr.
Kid Cowboy : Pascal Pastrana

 

 

Mis en ligne le 10 avril 2016

Merci de cliquer sur J'aime