BOHÈME, NOTRE JEUNESSE
Opéra Comique
1 Place Boieldieu
75002 Paris
08 25 01 01 23
Jusqu’au 17 juillet 2018
à 20h ou 15h
Quand l’Opéra se met à faire de la politique, même avec les intentions les plus louables, on est en droit de se méfier. Peut-on proposer un spectacle expressément « destiné à rajeunir l’image de l’opéra et à démocratiser son accès » (dixit le communiqué de presse) sans lui faire perdre son âme, sans abimer la sacro-sainte œuvre, sans sacrifier l’essentiel ? Revisité, chanté en français, reformaté dans le standard d’une heure trente, cette intrigante Bohème, notre jeunesse pouvait soulever quelques inquiétudes. Puccini aurait-il été trahi ?
À voir et à entendre cette production, on peut être rassuré. D’abord, par la qualité et la fraîcheur des interprètes : Kevin Amiel a une voix saine et bien projetée, Sandrine Buendia sait émouvoir tout en délicatesse et la canadienne Marie-Eve Munger n’est pas en reste, avec son joli timbre aux reflets métalliques, le tout servi par la belle prestation de l’Orchestre des Frivolités Parisiennes, emmené avec conviction par Alexandra Cravero. Ensuite, parce que si l’œuvre est écourtée (par exemple, plus de « signor Benoit »), elle n’est modifiée que dans son rythme et pas dans son écriture, à peine retouchée par le compositeur Marc-Olivier Dupin. Enfin et surtout, parce que ce serait oublier la longue tradition des Bohèmes chantées en français, dans diverses adaptations, à l’Opéra Comique. Sait-on par exemple que sur les 1522 représentations de la Bohème qui y ont été données, 1509 l’ont été en français… et seulement 13 en italien ?
On est moins convaincu par certains choix d’instrumentation – de l’accordéon, vraiment ? – et par une mise en scène qui, sous prétexte de la reconstitution historique avec une tour Eiffel qui s’élève en fond, sacrifie trop au Paris des cartes postales pour touristes. L’idée de mettre en parallèle la déconstruction/construction accélérée de la ville sous Hausmann avec le destin des jeunes artistes est intéressante, mais on aurait aimé une mise en scène qui verse moins dans les clichés. Reste l’œuvre, suffisamment puissante pour survivre à ces réserves (car c’est elle qui est éternelle, contrairement à la jeunesse que l’opéra célèbre dans sa fragilité, telle Mimi qui meurt au moment où elle annonce qu’elle va être sage), et qui continue à nous émouvoir.
Frédéric Manzini
Bohème, notre jeunesse
D’après Giaccomo Puccini
Adaptation musicale : Marc-Olivier Dupin
Mise en scène : Pauline Bureau
Direction musicale : Alexandra Cravero
Orchestre : Les Frivolités Parisiennes
Avec : Sandrine Buendia (Mimi), Kevin Amiel (Rodolphe), Marie-Eve Munger (Musette), Jean-Christophe Lanièce (Marcel), Nicolas Legoux (Colline), Ronan Debois (Schaunard), Benjamin Alunni (Alcindor), Anthony Roullier (Garçon de café)
Mis en ligne le 10 juillet 2018