BESTIAS

Parc de La Villette
Espace Chapiteaux

Jusqu’au 25 juillet 2015
Lundi, mardi, vendredi et samedi à 20h30, jeudi à 19h30

 

Bestias loupeCrédit photo (c) Ian Grandjean

Pour le spectateur, cela commence d’abord par un voyage. Il faut passer par un long couloir circulaire dont les murs sont couverts de peintures dans un style rupestre réinventé : des lignes, des animaux, des scènes de vie tracées noires sur blanc. Dans ce voyage qui semble un voyage dans le temps, vers l’immémorial, on se perd, on s’égare, on ne sait plus où l’on est. On avance encore dans ce dédale rempli de sonorités mécaniques et de voix déformées par les talkies-walkies. Et l’on débouche sous un autre chapiteau, encore un couloir circulaire. Cette fois, l’ombre projetée de deux chevaux tourne sur la toile intérieure, comme si nous étions soudain dans une lanterne magique géante. Le bruit des sabots et le souffle puissant des naseaux est tout proche.

Tout est déjà dit dans ce prélude : les humains, la poésie, les animaux. Bestias.

De cirque, cette dernière création du Baro d’Evel Cirk Cie n’en a que l’apparence. Il s’agit plutôt d’un spectacle à mi-chemin entre théâtre, danse et performance.

Mais surtout, le spectacle est construit autour d’une idée lancée comme ça au milieu de la piste, une idée avec laquelle ils jonglent, ils chantent, ils jouent, ils dansent, ils volent. Une idée qui a l’air de rien et qui dirait : Qu’est-ce qu’on fait là, en fait ?

C’est une idée qui a l’apparence d’un souvenir, un retour vers un passé qui n’a sûrement jamais existé, une nostalgie pleine d’un espoir que seule la poésie peut faire apparaître.

La poésie des corps, des voix, des luttes et des acrobaties.

La troupe du Baro d’Evel Cirk Cie a l’air de saltimbanques sortis des toiles du chapiteau et propulsés sur scène sans le vouloir, sans savoir vraiment ce qu’ils font là. Pas d’habits de lumière ici. Des chemises et des pantalons de toile, des robes de coton pâle. Pas d’agrès, mais des corps à corps, des portés, des chorégraphies de groupe à la fois violentes et charnelles sur des musiques live : guitare électrique, grand orgue inventé pour l’occasion avec des tubes de pvc, percussions mécanisés. Pas de ronds de lumière mais une ambiance rasante de coucher de soleil et des jaillissements ponctuels. Pas de dresseur de fauve et pourtant, parmi les artistes, des animaux, des chevaux, des perruches, un corbeau-pie qui sont autant de partenaire de jeu, de joute et de danse. Instants féériques.

Dans cette sorte d’arène, les personnages et les animaux circulent sans cesse. Ils entrent d’un côte, sortent de l’autre, tournent autour du public pour réapparaître ailleurs. Tout le spectacle est conçu comme un mouvement : le mouvement de la vie, le tournoiement de la terre, et nous autres là, au milieu, comme pris dans une machine qui nous dépasse et fascine.

Il y a spectacle autant sonore que visuel, sur la piste qu’autour des gradins, sur le sol de terre jaune comme la terre d’Espagne, et dans les airs où tournoient les oiseaux.

C’est monde un peu fou où les ballots de pailles s’animent en troupeaux, où les hommes nichent comme les oiseaux, où les chevaux font des caprices. Un monde de jeu aussi, vaguement enfantin, toujours drôle, volontairement naïf, qui rappelle les rêves et font regretter qu’ils ne soient que des rêves.

Il faut aller voir ce spectacle exceptionnel dont certaines images restent à jamais intactes au fond du cœur.

Bruno Fougniès

 

Bestias

Conception et direction: Camille Decourtye et Blaï Mateu Trias
Collaborations artistiques : Maria Muñoz et Pep Ramis/ Mal Pelo, Bonnefrite
Travail des animaux : Camille Decourtye, Nadine Nay et Laurent Jacquin
Création sonore : Fanny Thollot
Collaboration musicale : Nicolas Lafourest et Fanny Thollot
Création lumière : Adèle Grépinet
Création costumes : Céline Sathal

Les artistes :
Lali Ayguade, Noémie Bouissou, Camille Decourtye, Taïs Mateu Decourtye, Blaï Mateu Trias, Julian Sicard Piero Steiner et Marti Soler Gimbernat ; les Chevaux Bonito et Shengo, le corbeau-pie Gus et les perruches Zou, Albert, Farouche et Midinette

 

Mis en ligne le 14 juillet 2015