On les connaît depuis tellement longtemps qu'on a l'impression qu'ils font partie de notre famille.

Depuis « Les bronzés » pour l'un, et les premiers one man shows pour l'autre, on a pu suivre leurs carrières respectives.
Ils nous ont fait rire et ils nous ont émus aussi.

On les retrouve aujourd'hui à Avignon pour leur spectacle « Inconnu à cette adresse » d'après le livre de l'auteure américaine Kathrine Kressmann Taylor écrit en 1938, et qui a été un des succès de l'année à Paris. Une histoire d'amitié que la montée du nazisme va détruire.

Si Patrick Timsit a déjà vécu plusieurs festivals, c'est une première pour Thierry Lhermitte.

Rencontre :

Ils sont là, sur la scène du Chêne noir, se pliant avec gentillesse au fastidieux exercice d'une succession d'interviews après leur participation à la conférence de presse de présentation de la saison d'été du théâtre.

Première impression : dissemblables au possible.

Patrick Timsit, volubile, racontant anecdotes sur anecdotes, jovial avec ses airs de nounours attendrissant. Thierry Lhermitte, plus réservé, plus discret, silhouette de jeune homme auquel rides et cheveux grisonnants donnent un charme supplémentaire – quelle chance ont les hommes quand même ! –

Et puis au fil de la conversation, les caractères se dessinent et je comprends mieux pourquoi ces deux-là sont amis depuis tant d'années.

Ils partagent en effet une même façon d'appréhender la vie, leur carrière, les évènements du monde.

La pièce qu'ils interprètent leur a donné à réfléchir : c'est l'histoire d'une amitié que la montée du nazisme va détruire.

Un texte fort, bouleversant, qu'ils connaissaient depuis quinze ans et qu'ils rêvaient de jouer.

« On s'était dit ce sont des rôles pour nous » commentent-ils en chœur.

« Un texte qui fait comprendre aussi comment on peut facilement se laisser endoctriner » ajoute Thierry et Patrick renchérit : « On se dit que n'importe qui pourrait ainsi basculer ; il ne faut pas se croire plus fort, plus malin que les autres, on ne nait pas nazi mais si les circonstances s'y prêtent, qui sait, on pourrait peut-être se laisser entraîner. C'est d'ailleurs ce qui est effrayant. Sans vouloir être parano, il me semble qu'on vit une époque suffisamment difficile et troublée pour offrir un terreau favorable à ce genre de dérive. Mais sans être forcément inquiets. L'inquiétude est mauvaise conseillère. Mais être conscient des problèmes et surtout rester vigilant. »

Mais pas question pour eux d'être des porte-paroles de quelque mouvement que ce soit.

« On peut aimer le foot sans être supporter compare Patrick, de même on peut avoir ses opinions sans être militant ».

« Nous avons choisi d'être des artistes complète Thierry, pas des politiques. Chacun sa place, chacun son rôle. Nous, ce qui nous intéresse c'est de distraire le public, de créer des émotions. Si après, cela amène les gens à réfléchir, c'est bien mais ce n'est pas notre but premier ».

« Sachons rester humbles » affirment-ils en chœur.

Même façon également d'appréhender leur carrière.

S'ils donnent le plus souvent une image d'humoriste, ils ont aussi interprété des rôles plus dramatiques, « mais faire rire ou faire pleurer c'est pareil, ce sont les deux facettes d'un même métier » précisent-ils.

Ils semblent avoir fait leur la maxime de Boileau « Vingt fois sur le métier remettez votre ouvrage », décortiquant leur texte, traquant la moindre subtilité qui leur aurait échappé, capter les intentions de l'auteur et les retransmettre, travailler et travailler encore jusqu'à ce que le public ne sente pas l'effort, que cela lui paraisse naturel.

Patrick et Thierry. Thierry et Patrick. Deux amis.

Qui vont dans quelques jours vivre vingt-six soirs d'affilée la dramatique amitié de Martin Schulse, 49 ans, allemand marié et père de trois garçons, et Max Eisenstein, 50 ans, célibataire d'origine juive.

Nicole Bourbon