Jérémy FERRARI
Photo Claude Bourbon
Il est 19 heures, il arrive sur son scooter, entre deux rendez-vous.
Jérémy est un jeune homme pressé qui vit à 100 à l’heure, débordant de projets.
« Sinon, je m’ennuie » précise-t-il.
En ce moment, il cumule télé, radio, son spectacle, ceux des autres qu’il écrit, la préparation d’un film sur le chômage, toujours traité selon sa marque de fabrique, l’humour noir.
Car il ne s’interdit aucun sujet à condition de les traiter avec intelligence, un certain recul et surtout sans méchanceté.
« C’est pour ça que ce que fait Dieudonné est grave. Il salit la liberté d’expression en se cachant derrière pour prôner les idées politiques qu’il a à l’extérieur de son spectacle. Je ne peux pas rire à ses sketches parce que quand il fait une blague sur les Juifs alors qu’à l’extérieur il tient des propos antisémites, je ne peux plus considérer cela comme une blague. Et je ne peux plus rire non plus s’il s’en prend aux musulmans ou aux noirs parce que du coup je ne sais plus s’il est objectif.
Un humoriste est censé prôner l’égalité, la liberté d’expression doit servir à débattre et pas à exacerber les haines, à monter les gens les uns contre les autres.
Oui, Dieudonné a fait beaucoup de mal. Et l’action de Manuel Valls est plus une preuve de faiblesse, il prend les gens pour plus bêtes qu’ils ne sont. Et il crée un précédent.
Le CSA maintenant vient d’interdire de se moquer des génocides. J’ai envie de lui dire et le suicide chez les ados, et la pédophilie, on peut en parler, c’est pas sur la liste, est-ce que c’est moins grave ?
Le rôle des humoristes n’est-il pas justement par ce biais-là de dénoncer ? »
Et question de dénoncer, il en connaît un rayon ce jeune homme aux allures bien sages, qui n’hésite pas dans son spectacle à pointer les incohérences voire les absurdités des trois religions monothéistes. Et qui n’hésite pas à commenter sur scène avec une causticité désopilante des passages du Coran, de la Torah, de la Bible.
Quitte à recevoir des menaces de mort. « Ça me fait plutôt rire, assure-t-il, car je crois au bon sens. »
Et il reste confiant dans l’avenir, croyant fermement que tout va s’arranger, que ce n’est qu’un mauvais passage. « Sortons de la crise et tout va se calmer. Les gens sont agressifs, énervés car ils ont peur, de manquer, de perdre leur travail. »
Les galères, il les a connues aussi, vivre en coloc dans 10m², coucher par terre, ne pas savoir de quoi demain sera fait. Mais toujours cette foi dans l’avenir, avec ce sens des valeurs que ses parents lui ont transmis. Et qui lui fait garder les pieds sur terre maintenant que le succès a frappé à sa porte.
Il garde d’ailleurs une grande reconnaissance à Laurent Ruquier qui lui a ouvert le monde de la médiatisation, et aux sœurs Conti, les directrices du théâtre de l’Observance à Avignon qui l’ont soutenu lors de son premier festival, où il avait dix personnes dans la salle, alors qu’elles-mêmes qui venaient juste d’ouvrir leur théâtre, galéraient aussi.
« Elles ont été pour moi plus que des directrices de théâtre, des mamans. Tout la famille m’a aidé, leurs maris, leur père »
Et maintenant qu’il est célèbre, il ne les oublie pas et est parrain de leur théâtre, les soutenant alors qu’elles se lancent maintenant dans le challenge d’une programmation annuelle.
Voir l'article sur le Théâtre de l'Observance à Avignon
Comme il continue de participer aux émissions de Laurent Ruquier.
C’est un fidèle, un garçon qui a de la reconnaissance, c’est assez rare pour être souligné.
Un gentil ce Jérémy malgré l’image que ses sketches pourraient donner.
Et sans nul doute ce qui explique son succès, car, outre son talent, le public ne s’y est pas trompé, Jérémy est un « faux méchant ».
Nicole Bourbon