ISABELLE FRUCHART
Vous l’avez certainement croisée sur les planches, en France, en Allemagne ou ailleurs. Cela fait quelques années maintenant qu’elle vit son métier de comédienne à temps complet, interprète de classique et de contemporain, de théâtre et de cabaret, jusqu’au cirque. La liste des metteurs en scène avec qui elle a fait du théâtre serait trop longue. En voici quelques uns : Antoine Campo, Oleg Mokchanov, Serge Sandor, Sophie Akrich, Hélène Cinque...
Elle collabore aussi à plusieurs mises en scène de Sophie Akrich et s’engage auprès de Valérie Thomas dans des performances qui interrogent les représentations du féminin.
Mais ce n’est pas tout : elle a aussi publié deux textes, dont l’un a été mis en scène par Zabou Breitman, créé au Rond Point puis repris au Studio Hébertot en début de saison – Journal de ma nouvelle oreille – dont Isabelle Fruchart est l’interprète.
Et puis, elle s’est inventé un personnage imaginaire : « Divine devine », avec lequel elle pratique la magie mentale dans des numéros de cabaret. Oui, oui. C’est dire le personnage multiple qui nous attend dans cette brasserie de la place de la Nation en buvant un café et un verre d’eau.
— La maison de naissance n’est pas très loin. Ses locaux sont dans la maternité des Bluets, explique-t-elle. Vous ne savez pas ce qu’est une maison de naissance, n’est-ce pas ?
Depuis trois mois, Isabelle est en résidence d’écriture pour un prochain spectacle.
— C’est la seule maison de naissance à Paris alors qu’il y en a des dizaines en Europe et jusqu’au Japon. Elle s’appelle CALM. Cela signifie : Comme à la maison. Lorsque j’ai commencé à élaborer mon projet, je n’ai pas eu envie de travailler dans la solitude. J’ai entendu parler de cette association qui vient d’obtenir le droit de mettre au monde sans la présence d’un médecin. Car en France, c’est interdit.
Cela s’est passé pendant qu’elle jouait Journal de ma nouvelle oreille. La naissance de son enfant et un peu plus tard, l’idée d’un nouveau spectacle à écrire. Un spectacle puisé encore une fois à son expérience personnelle, intime.
— Pour mettre mon enfant au monde, je voulais tout sentir, je voulais être actrice car je refusais cet état de passivité qu’on vous propose… c’est comme si on nous disait : on l’accouche pour toi.
Mais pour ce projet, Isabelle a ressenti le besoin de ne pas écrire seule dans son coin, d’écrire aussi autre chose, un projet protéiforme.
— Je n’avais pas envie de passer pour la fille qui a trouvé un filon et qui va exploiter chaque partie de son corps avec des seuls en scène… Journal de mon nouvel utérus… Non.
Immergée parmi les sages-femmes, les futures mamans et les nouvelles mamans en soins post-partum, elle se plonge dans la littérature et les romans à la recherche de la manière dont ceux-ci rendent compte des bouleversements et de l’intensité de ce moment exceptionnel. Mais les scènes sont rares et les romans nombreux.
— Je me suis retrouvée avec une centaine de romans à lire. Heureusement certaines femmes qui venaient au CALM ont pris en charge la lecture de certains de ces romans. Elles m’ont aidée, en plus de participer aux ateliers d’écriture que j’organisais et où elles pouvaient exprimer l’histoire de leurs propres enfantements.
Bilan, la voilà qui se retrouve à écrire un essai sur la place de l’accouchement dans la littérature en plus de son texte théâtral :
— Dans ce spectacle, j’ai voulu faire dialoguer les générations et parler de l’héritage et de tout ce qu’une femme doit traverser pour mettre au monde. À ce moment-là, tout l’arbre généalogique s’ébranle : la fille devient mère, la mère grand-mère et ainsi de suite de générations en générations. Et vous portez cela en vous, dans votre corps, dans votre conscience.
Ce sera donc une fille, une mère et une grand-mère qui seront les personnages du spectacle, mais aussi un sage-femme homme.
— Pour parler de réconciliation… pas la réconciliation des hommes et des femmes, mais du masculin et du féminin. Et j’ai voulu aussi que ces trois générations de femmes soient des musiciennes de mères en fille pour répondre à une idée banale qui murmure que la seule création de la femme est la maternité. Comme si l’autre création était la vertu des hommes. Dans le domaine de la musique, il y a énormément de compositrices méconnues.
Isabelle nourrit aussi son écriture avec les rencontres faites durant sa résidence et les témoignages qu’elle y a recueillis.
— Mais ce ne sera pas du théâtre documentaire. Ce qui m’intéresse, c’est la transformation et pas de mettre seulement des témoignages en scène.
La prochaine étape de cette aventure aura lieu durant la Semaine Mondiale de l’Accouchement Respecté qui se déroulera du 17 au 20 mai, durant laquelle Isabelle animera une table ronde en compagnie d’Agnès Desarthe, d'Arlette Farge et de Désirée Frappier. Ensuite, rendez-vous le 3 juin prochain à la bibliothèque Hélène Berr pour une première lecture publique de sa pièce, une sorte de work in progress. Puis ce sera la recherche de tout ce que demande une production théâtrale de cette pièce qui sera sans aucun doute riche et clairvoyante comme son auteure.
Bruno Fougniès
Semaine Mondiale de l’Accouchement Respecté : « Mon corps, mon bébé, ma décision »
Soirée débat, le mardi 17 mai à 19h00 – Amphithéâtre Sorel de l’hôpital Trousseau, 26 avenue du docteur Arnold Netter, 75012 Paris – en présence de Catherine Dolto, Chantal Birman…
Soirée « Raconter l’enfantement », le jeudi 19 mai à 19h00 – Salle polyvalente de la Maternité des Bluets, 4 rue Lasson, 75012 Paris – pour la clôture de résidence d’Isabelle Fruchart : échanges avec Agnès Desarthe, Arlette Farge, Désirée Frappier et présentation de « Mise au monde, l’enfantement en littérature » / Essai d’Isabelle Fruchart
Entrée libre sur inscription sur smar@mdncalm.org