DOMINIQUE BESNEHARD
Dans le cadre des rencontres Télérama du Rond-Point, animées par Fabienne Pascaud, l’invité était cette fois-ci Dominique Besnehard.
Une rencontre qui va permettre de découvrir un peu de ce personnage fascinant, à la personnalité attachante.
Comme il paraît loin le petit garçon qui découpait des photos d’artistes dans les revues « Mon film » ou « Ciné revue » histoire d’enjoliver les hivers longs et tristes passés à Houlgate. « Ces revues là et pas “Ciné monde” précise-t-il, car ce dernier était jugé trop sulfureux par mes parents ! »
Un petit garçon qui grandit un peu dans l’ombre de son frère jumeau, Bernard, écrivain « Il était brillant, avait sauté une classe. Un de mes professeurs m’avait dit d’ailleurs l’année suivante : — Tu devrais parler un peu avec ton frère ».
Mais aussi un petit garçon qu’un destin étonnant attendait.
Le hasard, le destin, dit-il qui lui a fait faire les rencontres décisives, un professeur de français en premier, qui lui ouvre l’univers du théâtre, puis Jacques Doillon qu’un ami lui présente et avec qui il collaborera pendant sept ans.
C’est ainsi que son avenir se dessine, directeur de casting puis agent artistique, qui lui permettront d’être un vrai découvreur de talents.
« Le talent c’est un mystère explique-t-il. Souvent je repérais quelqu’un en devenir davantage par ses failles, ses maladresses, quelqu’un qui avait un défaut, une timidité, une originalité. Maintenant dans les cours, les élèves jouent juste mais tous pareil. Il n’y a pas de loi. Ce qu’il faut c’est être capable d’intéresser le public, de lui donner des émotions. »
Son conseil aux apprentis comédiens, à ceux qui rêvent de faire carrière ?
« Autrefois au cours Florent, où on voyait 300 élèves, on en a maintenant 3000. Alors si vous n’êtes pas véritablement obsédé par ça, si vous ne concevez pas de faire autre chose de votre vie, si vous n’y pensez pas vingt quatre heures sur vingt quatre, ce n’est même pas la peine. »
Lui qui côtoie les célébrités, dans un univers quand même bien « bling bling », a su rester un homme simple attaché aux valeurs que lui ont inculquées ces parents, commerçants et ses grands-parents paysans. Une mère par exemple qui savait écouter les autres. « À la fermeture du magasin le soir, c’était Ménie Grégoire ! Tout le monde venait lui raconter ses problèmes !
Le but de ma vie, ce n’est pas de gagner toujours plus d’argent. Je n’aime pas le gâchis. Et c’est vrai que j’ai le cœur à gauche, ce n’est un secret pour personne. Comme tout le monde d’ailleurs ajoute-t-il en plaisantant.
Et ce qui transparait dans ses propos, c’est surtout l’amour qu’il porte aux acteurs « Ce sont des gens fragiles qui font souvent ce métier parce qu’ils ne s’aiment pas eux-mêmes. C’est pour ça qu’ils jouent, ils ont besoin d’être quelqu’un d’autre, d’être aimé ». Et il avoue volontiers préférer les actrices.
« Plus que les hommes elles doivent se battre, déjà contre le temps. On dit d’un acteur Il vieillit bien, d’une actrice Elle est fanée. D’ailleurs dans la série télé à succès “Dix pour cent”, peu d’acteurs ont accepté de jouer le jeu, alors que les actrices se sont beaucoup amusées. Line Renaud et Françoise Fabian par exemple, elles riaient beaucoup, Line rajoutait même des vacheries qui n’étaient pas écrites, à la Baby Jane. L’idée court d’ailleurs, vous verrez à la rentrée les pièces sur cet argument vont fleurir, il va y avoir plein de Baby Jane ».
Et les anecdotes ne manquent pas sur ces gens qui nous font rêver et qui se révèlent être comme le commun des mortels. C’est Romy Schneider maltraitée dans sa vie privée, Signoret qui n’aimait pas les femmes, Brialy qui attend comme un débutant la réponse de Chabrol pour un rôle.
« Comment dire à Brialy que Chabrol ne le veut pas ? Parce qu’on le voit partout, qu’il est gratuit ? Alors il faut enrober la chose, mentir. Et boire une coupe de champagne pour trouver le courage. C’est comme ça qu’on prend des kilos ! »
S’i l a fait la plus grande partie de sa carrière aux côtés de grands noms, il a arrêté la profession d’agent pour se lancer dans la production. À soutenir des œuvres pas « mainstream » mais en lesquelles il croit, comme il le fait aussi au Festival du film francophone d’Angoulême qu’il a créé avec Marie-France Brière, Patrick Mardikian et Maxime Delauney.
Un festival où il n’hésite pas à donner des badges à des jeunes qui traînaient pour qu’ils puissent entrer et découvrir des films. Semer une graine qui peut-être… Comme quand il intervient aussi en milieu carcéral. Avec le souvenir infiniment douloureux d’un jeune homme qu’il pensait avoir sauvé et qui finalement s’est donné la mort.
Un homme qui a réussi parce que certainement il aime les autres et surtout passionnément ce qu’il fait.
Il n’est peut-être pas si loin finalement le petit garçon qui rêvait en découpant des photos.
Nicole Bourbon