COLETTE NUCCI – DIRECTRICE DU THÉÂTRE 13
La réouverture de la salle historique du Théâtre 13, après deux ans de travaux, est l’occasion d’une rencontre avec Colette Nucci, directrice depuis 1999.
L’entretien a lieu dans son bureau, Théâtre 13 Seine, le deuxième site du théâtre. Un bureau sobre, clinique, fonctionnel, très ordonné. Là où l’on aurait pu s’attendre à une présence forte des programmations passées, c’est un espace vierge, un peu comme un plateau vide avant la création du prochain spectacle. Un décor représentatif du caractère de Colette Nucci qui regarde plutôt l’avenir que le passé, et fait preuve d’enthousiasme plutôt que de nostalgie. Après plus de deux ans de travaux, la salle historique du théâtre 13 va rouvrir…
— Alexis Michalik ouvrira la programmation de la salle historique le 9 mars prochain. C’est merveilleux car l’idée est venue de lui. Merveilleux aussi parce que “Le Porteur d’Histoires” a été créé sur Paris (après deux années à Avignon) dans cette salle en septembre 2012, juste avant la fermeture pour travaux. Alexis m’a dit : « Est-ce que tu veux que je t’écrive quelque chose pour la réouverture du théâtre ? » et comme cela convenait au niveau des dates, j’ai accepté : Top-là, et voilà, il est en train de répéter. Ce sera un spectacle sur les prisons qui s’intitule Intra Muros. C’est tout ce que je peux en dire. …
Un peu comme un passage de témoin… Alexis Michalik représente bien la ligne artistique que défend Colette Nucci : être capable de travailler aussi bien dans le public que dans le privé… Mais revenons à la réouverture…
— La soirée officielle d’inauguration aura lieu le 21 février en présence de madame Hidalgo, maire de Paris, mais les journées portes ouvertes au public se dérouleront le 25 et 26. Il y aura 3 spectacles par jour et des visites. L’entrée est libre, il suffit de réserver, tout est gratuit… ce seront de courts spectacles de jeunes compagnies habituées du 13. Je suis ravie de ce travail fait avec elles.
Impossible de forcer la directrice du Théâtre 13 à se cantonner au factuel et à l’énoncé d’informations, l’enthousiasme fait dériver le discours :
— À propos des jeunes compagnies… Je suis allée, il y a deux jours, à l’inauguration des Plateaux Sauvages, ex Vingtième Théâtre. La compagnie « Birgit Ensemble » de Julie Bertin et Jade Herbulot présentait un spectacle de 40 minutes : “Mémoires de Sarajevo” qu’elles vont donner au Festival d’Avignon. C’est formidable, c’est vraiment émouvant de voir des artistes aussi impliquées, talentueuses, généreuses… Jade a deux compagnies, la deuxième avec Clara. Nous les accueillons tout au long de l’année avec les “Trois Mousquetaires”, une série théâtrale qui en est à la quarième saison, elles écrivent la cinquième. Ce sont des représentations hors les murs, dans les sites précis du 13ème. Le public ne sait pas où cela aura lieu : on lui donne rendez-vous quelque part et de là on les emmène sur le lieu de la représentation. Par exemple, nous avons joué à l’intérieur de la Salpêtrière. Cela permet à la fois de découvrir les lieux et d’assister au spectacle.
Il y a une fidélité de personnes voulue par Colette Nucci et une réelle admiration pour ces jeunes créatrices et créateurs qui empoignent le théâtre et les grands thèmes du moment avec fougue et intelligence.
— Mais revenons aux différences entre les programmations des deux salles, si vous voulez bien, dis-je.
— J’aimerais que cela soit le même public qui vienne dans les deux salles. Qu’il y ait vraiment une curiosité et que l’on arrive à fidéliser.
— Le public vous a suivi ?
— Non, ne croyez pas ça. Beaucoup de gens sont très attachés à la salle historique. On a quand même des abonnés qui nous ont suivis, mais on est passé de 1000 à l’époque où nous avions les deux salles à 600.
— Mais ils vont revenir ?
— C’est vrai. Les gens s’inquiètent de savoir quand nous rouvrirons. On va y programmer sur le même mode qu’avant : Programmations longues sur la salle Jardin, 5 ou 6 semaines. Il s’agira d’auteur plus identifiés : on commence par un Feydeau par exemple, et un Marcel Aimé, Flaubert… un théâtre plus tourné vers le répertoire en y glissant sûrement un ou deux auteurs contemporains… Les jeunes compagnies resteront à Seine, avec notre programmation phare et emblématique qui est le Prix Jeune Metteur en scène ne serait-ce que pour le côté pratique ; il y a côté Seine une salle de répétition, une cafétéria, dispositifs que nous n’avons pas dans la salle historique. Par contre, on va pouvoir en été imaginer des événements en extérieur, des concerts, accueillir des spectacles de rue, puisqu’il n’y a pas de voiture autour du bâtiment.
— Deux identités spécifiques donc…
— La base c’est la troupe et le travail de compagnie… c’est cela pratiquement depuis que je suis arrivée. Il m’a fallu deux ans pour définir cet axe de programmation. Je me souviens du seul spectacle dans lequel j’ai joué, en 2001, j’étais là depuis deux ans. C’était « 13 mains », oh c’était un joli spectacle, quatre femmes qui jouaient au bridge, qui remontaient le temps…
— Et vous n’êtes jamais remonté sur scène depuis ?
— Non… peut-être l’année prochaine (rires)… Peut-être… mais je n’en dirais pas plus. Mais, vous savez, ça ne me manque pas. Je suis très heureuse de faire ce que je fais avec mon équipe… et très heureuse de pouvoir rentrer aussi chez moi (rires)… et aller voir d’autre spectacles…
— Avant le Théâtre 13, vous aviez une compagnie…
— J’avais une compagnie à Bougival, avec Fabian (Fabian Chappuis, administrateur de Théâtre 13)… Fabian, je le connais depuis qu’il avait 17 ans… Pendant quelques années, on s’est occupés ensemble de la compagnie, de monter des spectacles etc. mais quand je suis arrivée ici, nous nous étions un peu perdu de vue depuis un an. Il travaillait, je crois, à la Ménagerie de Verre, il m’a appelé et m’a demandé si je n’avais pas besoin de lui parce qu’il n’en pouvait plus… je l’ai rappelé tout de suite. C’est un bonheur d’avoir une totale confiance en quelqu’un comme Fabian… d’ailleurs, si je ne pouvais pas déléguer, je ne pourrais pas m’occuper de tout le côté artistique…
— Et vous n’avez jamais eu la tentation de créer une école ou une compagnie du théâtre 13…
— Non. Mais avoir une compagnie associée, on y pense. Une compagnie à qui on pourrait donner les moyens de créer… on ne peut pas leur donner d’argent, mais les moyens. Et les associer à long terme, même en ce qui concerne les propositions de programmation… sur deux ans…
C’est donc une autre aventure qui commence pour le théâtre 13, un des théâtres d’arrondissement de Paris qui possède une réelle identité. Double aventure, dans des quartiers très différents. Rendez-vous donc les 25 et 26 février pour découvrir le nouvel environnement de Jardin puis au 9 mars pour la première de la nouvelle création d’Alexis Michalik : Intra Muros.
Bruno Fougniès