Théâtre du Petit Chien 14h15
Réservation 04 90 85 25 87
Interview de Jonathan Kerr
Pourquoi ce choix de Moby Dick ?
J’étais envoûté depuis longtemps par ce roman et particulièrement par ce personnage du capitaine Achab, fascinant avec sa dimension shakespearienne de « roi maudit ».
Et puis je suis Malouin d’origine, lié à la mer. J’avais un grand-père cap-hornier et un autre marin pêcheur. C’est en quelque sorte aussi un hommage à mes ancêtres.
Pourquoi avoir attendu si longtemps ?
Après Camille C, des chansons soudain m’ont trotté dans la tête. J’ai alors relu Moby Dick et petit à petit tout s’est mis en place.
Ce n’était pas évident de ramener les deux gros tomes du roman à un spectacle d’un peu plus d’une heure ?
Un passage du roman m’interpelait particulièrement, celui où le capitaine s’est enfermé dans sa cabine et où l’équipage ne sent sa présence que par le bruit de sa jambe de bois sur le plancher.
Je suis donc parti de cette scène qui nourrit entièrement le spectacle.
Pourquoi ce choix de théâtre musical ?
On chante lorsqu’on ne peut plus jouer et on joue lorsqu’on ne peut plus chanter.
Tout est centré sur le Capitaine Achab
C’est vraiment le Héros. Il ne veut pas se soumettre et il combat ce qui le dépasse. La seule chose intéressante, c’est le combat. Et par là, il nous donne aussi quelques clés de l’existence.
Il n’y a pas de femme dans le roman. Pourquoi cette création du personnage de l’Andalouse ?
La femme est l’obsession de l’homme. Mais j’ai longtemps hésité. Serait-elle la représentation de la Destinée ou une prostituée qu’Achab aurait connue ? Finalement j’ai opté pour l’idée de fatalité mais en même temps le spectateur peut imaginer qu’il s’agit d’une femme que le capitaine aurait aimée. Elle l’envoûte et il est prêt à tout pour la rejoindre. Elle apporte aussi une dimension onirique au spectacle.
LE SPECTACLE
Les chants désespérés sont les chants les plus beaux
Après une lecture l'an dernier à Paris dans le cadre du festival Diva, voici enfin sur scène Moby Dick ou le Chant du Monstre, création de Jonathan Kerr qui est également interprète.
Voilà du vrai théâtre musical avec un texte remarquablement écrit, une véritable épopée moderne.
Dès l'ouverture on est emporté dans une atmosphère envoûtante, créée par la musique et le chant de l'Andalouse, moderne sirène qui nous invite au voyage et appelle le marin Ismaël à affronter l'implacable capitaine Achab.
J J Gernolle a conçu un décor astucieux qui joue sur les surfaces: horizontalité des planches qui symbolisent les pontons du navire, verticalité des deux grands miroirs qui renvoient une image floue et onirique des personnages au gré des scènes.
Laurent Malot prête sa rondeur à Ismaël, le marin qui va effectuer sa première et dernière traversée.
Il va vainement essayer de ramener le capitaine à la raison, ce capitaine auquel il a fini par s'attacher malgré (ou à cause) de sa folie.
Par contraste, Jonathan Kerr impressionnant avec ses expressions hallucinées, son regard fou, son visage creusé, parait encore plus grand et élancé dans ce rôle du capitaine Achab qu'il habite avec fièvre.
Amala Landré a repris le rôle interprété à Paris par Sophie Delmas. Elle donne une version plus onirique, beaucoup moins charnelle du personnage de l'Andalouse qui prend du coup une autre dimension.
Les jeux de lumière de A de Carvalho créent un clair obscur qui baigne l'ensemble d'une atmosphère trouble et troublante.
R Bianchi a fait preuve d'une belle imagination dans la création des costumes dont il vaut mieux laisser au spectateur le plaisir de la découverte.
C'est un spectacle envoûtant qui emmène ailleurs, loin de la terre, au pays de la démence d'un homme qui livre ici son dernier combat, entraînant tous et tout dans sa folie.
Nicole Bourbon
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