au Théâtre des béliers
photo Aicha Bouachaala
Un régal à l’état pur!
Fatrasie conte avec une originalité et une puissance créatrice artistique sans faille les tribulations poético-burlesques d’un homme-enfant, marionnette de son destin. Cette toute nouvelle œuvre de Pierre Lerick, fondateur de la Cie Les Epis noirs au style inimitable, nous offre ici une création à la frénésie musicale et théâtrale détonante qui nous touche d’autant plus qu’elle recèle une vraie réflexion sociale et politique sur notre citoyenneté actuelle.
Rappelons entre autre quelques créations de cet artiste auteur compositeur, metteur en scène et interprète : « Flon Flon ou la véritable histoire de l’humanité » qui fut lancée à la Gaité Montparnasse puis à la Comédie des Champs Elysées, également reçue avec succès par la presse et par le public, la pièce « Bienvenue au Paradis » une farce musicale et tragique très corrosive. Les Epis noirs entamaient alors en 2008 leur tournée qui devait être d’adieu
après leur dernière création « L’Odyssée des Epis Noirs ou le monde à l’envers » mais nous avons pu les voir pour notre plus grande joie cette année 2010, à Avignon au Théâtre des Béliers avec une toute nouvelle et talentueuse distribution.
Fatrasie-du mot fatras : satyre dramatique ou pièce médiévale aux vers satyriques - met donc en scène un être, Louis Leroy, encore dans le ventre de sa mère, Ninon, femme battue et délaissée avant la naissance du petit par son mari Edmond qui les laisse ainsi démunis. Ainsi commence la fabuleuse histoire de Louis Leroy.
Nous voilà alors embarqués dans un long périple où nous vibrons aux rythmes des épisodes et des émotions qui traversent ce haut personnage, pantin de ses pauvres jours. Ce 14 juillet 2011, Louis Leroy - Pierre Lerick, magistral- a rendez vous avec sa destinée. Pendant qu’il anime les festivités de la ville d’Arcueil, avec sa fanfare et son lot de discours et de manifestations convenus, son cortège de majorettes - les Flying Sticks ou bâtons volants -, il apprend
le
décès brutal de sa mère autour duquel s’articulait toute sa conscience d’être. Louis parle d’ailleurs à sa Conscience –personnage bien incarné scéniquement par Nicolas Lepont, comédien et clown mais aussi excellent musicien. Défile alors sous ses yeux et les nôtres, un florilège des femmes qui ont influencé son existence : nous partageons ainsi intensément ses doutes, ses affres, ses amours, ses engagements, ses renoncements, ses errances. Sa quête impuissante d’un ailleurs où les lampions de son âme
pourraient enfin briller.
Louis a une sœur Bernadette qui l’accompagne dans sa misère et dont il est très proche .Muriel Gaudin, actrice multi-facettes la campe avec aisance. Elle interprète aussi le rôle de la maman, Ninon. Juliette Laurent, distribuée ici dans un registre des plus inattendus incarne avec brio Josy, jeune femme survoltée et mal aimée, artiste majorette ratée qui rêve de spotlights et d’amour. Marion Dubos, énergique et d’une belle présence endosse le rôle de Simone Kolatchuk,
une polonaise au passé sombre qui s’est africanisée en s’affublant du nom « Aissa Mangoulé ». Enfin, la jeune Anais Ancel nous montre aussi son beau tempérament dramatique en jouant les rôles successifs de Gisèle Richard et de Judith Leroy, sa fille.
La gestualisation imaginée par Pierre Lerick est fortement symbolique et ses personnages sont autant d’automates désarticulés et/ou mécaniques. La pièce est musicalement portée par les chansons du même auteur : les textes poético-réalistes et les airs enlevés aux allures mélodiques folks et particulièrement électrisantes sont chantés en live et sont accompagnés par le guitariste et claviériste Nicolas Lepont également auteur compositeur et interprète. Ils
sont soutenus au son par le complice des Epis Noirs, le régisseur Jean Pierre Spirli. Véronique Claudel, créatrice lumière des Epis depuis 1999, nous offre une véritable palette dramatique avec un subtil jeu d’éclairage tout en contraste entre ombres et lumières, appuyant ainsi une scénographie quasi cinématographique et tragi-burlesque. Enfin, les décors et les costumes ont été imaginés par Anne Buguet qui signe là sa première collaboration avec Pierre Lerick.
Fatrasie, cette formidable fresque familiale et sociale nus entraîne dans un univers satyrique, musical et onirique d’une singulière beauté théâtrale!
Notre coup de cœur à Regarts. À ne pas manquer quand ils passeront sur votre route !
Safia Bouadan
Site : http://www.lesepisnoirs.com/fatrasie.ws
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